Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 136.djvu/642

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

millions en faveur de cette même institution, jurant que la situation lui était parfaitement connue, que la Banque serait désormais à l’abri de toute épreuve, comme il le répétait encore, au printemps de 1895, aux actionnaires de Londres !

Force the bills through the house, forcer la main à la Chambre pour faire passer ses projets, voilà la politique constante de tous ces gouvernemens. En Nouvelle-Zélande, les séances se prolongent presque toutes jusqu’à minuit ou 1 heure du matin. La moitié d’entre elles est absorbée, il faut le dire, par les remaniemens de lois votées à la hâte un ou deux ans auparavant et reconnues inapplicables ; en 1895, on s’occupait notamment d’amender ainsi une loi sur la vente des liqueurs alcooliques et une autre sur l’arbitrage entre patrons et ouvriers, adoptées en 1894, ainsi qu’une loi sur le travail dans les boutiques, shops and shops’ assistants act, qui datait aussi de 1894 et en remplaçait une autre de 1892. Contre une pareille législation, l’obstruction parlementaire serait une protection ; mais on s’en est enlevé le bénéfice en limitant à une demi-heure le temps pendant lequel un orateur peut parler.

Comment s’étonner que l’opinion publique commence à se dégoûter du régime parlementaire ainsi pratiqué, et que l’agitation en faveur du referendum prenne de la force dans toutes les colonies ? En Nouvelle-Galles du Sud, le referendum est, on l’a vu, dans le programme du gouvernement actuel ; en Nouvelle-Zélande il a fait l’objet d’un projet de loi présenté au Parlement, et partout, on s’en préoccupe. D’ici peu d’années, on l’adoptera sans doute. Mais il est à craindre que cette réforme n’améliore guère les mœurs politiques australiennes. Si l’on a recours au vote populaire, chaque fois qu’il y a désaccord entre les deux Chambres comme on projette de le faire, on hâtera seulement l’adoption inconsidérée de projets de loi sans consistance. L’esprit dans lequel sont pratiquées les institutions a plus d’importance peut-être que ces institutions elles-mêmes ; et cet esprit en Australie est impatient et brouillon.

Le régime parlementaire est un mécanisme délicat, bien fragile entre les rudes mains de la démocratie, toujours un peu brutale et peu disposée à admettre les ménagemens et les concessions qui peuvent seuls en rendre le fonctionnement possible. Il exige d’ailleurs la présence de deux partis nettement tranchés, ayant chacun leurs principes, leurs traditions, leur personnel. Ces conditions n’ont jamais été réalisées en Australie, et l’on s’en éloigne de plus en plus depuis que grandit le parti ouvrier qui, en promenant de droite et de gauche les votes de