complètement abandonné. Monsieur, dont l’orgueil était singulièrement flatté du rang auquel montait sa petite-fille, s’y installa cependant avec son fils, le duc de Chartres. Il avait même compté pousser plus loin, pour être le premier à l’embrasser. Mais ayant appris, que le Roi et Monseigneur le suivaient de près, il crut devoir rester à Montargis, « pour tenir compagnie à Sa Majesté », disent prudemment les Mémoires du marquis de Sourches, en réalité sans doute crainte de le mécontenter. Le Roi partit en effet du château de Fontainebleau, le 4 novembre dans l’après-midi, précédé immédiatement par Monseigneur. Quant à celui qui avait, ce semble, le plus de titres à voir le premier la princesse, c’est-à-dire le duc de Bourgogne, il reçut l’ordre d’attendre provisoirement à Fontainebleau, avec autorisation cependant d’avancer le lendemain jusqu’à Nemours.
Monseigneur logea chez M. de Boiscourgeon, avocat du Roi, et le Roi chez M. Lelorge, lieutenant général au Présidial, dont la maison était « fort jolie et fort bien ajustée » pour un homme de son rang, mais dont les appartemens étaient beaucoup trop petits pour le Roi et toute sa suite. La princesse arriva à Montargis sur les six heures du soir. Au moment où le carrosse qui l’amenait entra dans la rue, le Roi, qui était au balcon, descendit. Dès que la portière du carrosse fut ouverte, il s’avança, et après avoir dit à Dangeau : « Pour aujourd’hui vous voulez bien que je fasse votre charge », sans laisser à la princesse le temps de descendre, il la prit dans ses bras comme elle était encore sur le marchepied et l’embrassa en lui disant : « Madame, je vous attends avec beaucoup d’impatience. » La princesse lui répondit que ce jour était le plus heureux de sa vie, et lui baisa la main. Monsieur, voyant que le Roi ne la tenait plus dans ses bras, s’avança alors pour l’embrasser, et il se jeta à son cou, oubliant que, d’après l’étiquette, Monseigneur devait passer avant lui. Mais le Roi l’en fit souvenir, et Monseigneur s’étant avancé à son tour embrassa deux fois sa future belle-fille. Le Roi lui donna alors la main pour l’aider à monter l’escalier, et elle en profita pour la lui baiser encore plusieurs fois.
L’escalier était encombré de monde. Un huissier précédait, portant un flambeau, et le Roi la faisait monter lentement afin de la bien montrer. Arrivée dans la chambre qui lui était destinée, il lui présenta l’un après l’autre tous les seigneurs qu’elle salua selon leur qualité. Les princes ainsi que les ducs et pairs la baisèrent, comme leur rang leur en donnait le droit. Le Roi ne pouvait se lasser d’admirer sa bonne grâce et son esprit. Enfin il la quitta pour la laisser un peu reposer, et il profita de cet intervalle pour écrire ses premières impressions à Mme de