Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 136.djvu/763

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En habile homme qu’il était, Dangeau n’avait garde de manquer à entretenir également Mme de Maintenon des dispositions que faisait voir celle dont la haute éducation allait lui être confiée. Il lui rendait compte en particulier des jeux auxquels on avait recours, à la fois pour la distraire de l’ennui des réceptions officielles et pour lui donner occasion de déployer son esprit. C’était Dangeau qui y jouait le grand rôle. Les lettres de Dangeau ont malheureusement été perdues. Maison en trouve en quelque sorte la contre-partie dans les réponses de Mme de Maintenon : « Vous donnez, lui écrivait-elle[1], d’agréables idées de la princesse et nous avons une grande impatience de la voir. Vous savez, monsieur, faire toute sorte de personnages ; l’épée de diamans et le colin-maillard en sont la preuve » ; et dans une autre lettre : « Il est vrai, monsieur, qu’on est ravi d’entendre parler de la princesse, et que tout ce qui revient de votre petite cour nous donne une grande impatience de lavoir réunie à la nôtre. Si la princesse ne se dément point, nous serons heureux d’avoir à former un si bon naturel. Je suis ravie de savoir qu’elle est enfant parce qu’il me semble que tous ceux qui sont trop avancés demeurent pour l’ordinaire. Tout ce qui vient de ses occupations me paraît parfait, et si on continue ce mélange de jeux d’esprit, de jeux d’exercice et de quelques leçons un peu plus sérieuses, il n’y aura rien qui ne soit utile. Le jeu à la Madame peut l’accoutumera la conversation et à bien parler ; les proverbes à entendre finement ; le colin-maillard contribuera à sa santé, les jonchets à son adresse. Enfin tout me paraît fort bon, d’autant qu’elle fait toutes ces choses avec des personnes raisonnables qui peuvent l’instruire en la divertissant. » De tous ces jeux, le colin-maillard était celui que la princesse préférait, et Dangeau nous apprend qu’en arrivant dans la petite ville de Saint-Pierre, elle eut beaucoup de chagrin, parce que sa chambre était trop petite pour y jouer. A la Charité, la petite cour ambulante apprit une grande nouvelle. C’était que la vraie cour presque tout entière et le Roi lui-même allaient venir au-devant d’elle, non pas seulement jusqu’à Fontainebleau, ainsi que toujours cela avait été convenu, mais jusqu’à Montargis. Il y avait de la part de Louis XIV d’autant plus de condescendance à venir ainsi à la rencontre d’une aussi jeune princesse, qu’il venait d’être fort souffrant d’un anthrax dont il avait fallu l’opérer, et que, d’autre part, la ville de Montargis ne possédait aucune installation royale ou princière, le vieux château où Renée de Ferrare avait fait faire par Androuet du Cerceau de si importans travaux ayant été depuis

  1. Correspondance générale, t. IV, Lettres CDXXXVI et CDXXXVII, pages 125 et 126.