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c’est leur façon, à eux, d’énoncer leur credo ; leur symbole prend la forme d’une autobiographie ; leur foi est comme une aventure de leur âme ; et ce qu’ils expriment de dogmatique prend la forme d’une confidence.

Les théologiens de l’orthodoxie en sont déconcertés, déroutés. Ils tenaient en réserve, pour l’épreuve des plus jeunes, de bonnes vieilles questions, un peu lourdes, qui semblaient appeler une réponse nette, péremptoire, compromettante. « Croyez-vous que la Bible soit un livre inspiré ? » A cette massive demande, le théologien moderne répond, avec une élégante ouverture de cœur : « La Bible est pour moi parole de Dieu, parce qu’il me parle, dans la Bible, plus clairement que nulle part ailleurs. » Au lieu d’une opinion, il apporte une impression ; au lieu de quelque chose d’appris, quelque chose de vécu ; il constate et raconte comment la Bible agit sur lui. Pourquoi la colère des orthodoxes ? N’apporte-t-il pas à leur question une réponse plus intime, plus personnelle, que celle qu’ils réclamaient ? Mais voilà une intimité d’accent dont les orthodoxes se passeraient bien ; ils préféreraient un oui ou un non clair et formel.

Et de l’énervement réciproque, bientôt, naissent les polémiques. On commence, généralement, en se renvoyant, de part et d’autre, le reproche de tendances catholiques. « Votre respect littéral pour un dogme extérieur et strict, objecte aux positifs l’école moderne, dénote en vous un état d’esprit catholique. » On ajoute même, la polémique s’échauffant : « un état d’esprit jésuite. » Et poursuivant le parallèle, on fait observer, avec le professeur Hermann, que du moins l’Eglise catholique, par l’exaltation de sa mystique, par la grandeur poétique de sa liturgie, par le prix qu’elle attache aux bonnes œuvres, tempère et corrige l’apparente sécheresse de son exclusivisme dogmatique ; mais Luther a ramené toute la religion à la foi, et si les positifs ramènent la foi elle-même à une adhésion passive, ne serait-ce pas une des conséquences fatales de ce protestantisme « positif », que le salut s’achète par la servilité, et par elle seule ? Les positifs répliquent à leur tour : « De votre élaboration subjective de la foi, pour laquelle vous mettez en œuvre toutes sortes de données historiques et d’argumentations subtiles, ne peut sortir une religion que pour vous et vos amis. Et vous condamnez le reste de l’humanité à une « foi implicite », ignorante et naïve : autre forme de la passivité et de la servilité. Demander à tous les hommes une foi implicite, n’est-ce point agir comme l’Eglise romaine ? Par surcroît, vous parlez un langage à double sens : il atteste aux hommes éclairés l’émancipation de votre pensée ; il