vie continue monotone et pesante, partagée entre deux tiraille-mens contraires, qui amènent enfin sa rupture avec son second mari : celui-ci ne peut lui pardonner d’être restée mère en devenant sa femme, et de ne pouvoir, à cause de ses enfans, rompre entièrement avec son passé.
Il y a peu de pays où le divorce soit, au point de vue légal, plus facile qu’en Suède ; il y en a peu aussi où il soit moins fréquent. Ce n’est donc pas contre la tyrannie de la loi, le joug de l’Eglise ou les préjugés mondains que Mme Leffler a élevé sa protestation dans cette étude sur la femme divorcée. Si Arla est mise au ban de la société, tenue à distance par ses anciennes relations, c’est parce qu’elle a épousé un révolté, un radical, et qu’elle partage ses idées antireligieuses, ses principes subversifs. Elle a passé dans le camp opposé, elle a renié tout son passé : c’est à cause de cela que sa mère refuse de lui confier le soin d’élever ses enfans, et que son premier mari hésite même à les lui laisser voir. S’il y consent à la fin, c’est parce qu’il est persuadé que son cœur de mère lui fera respecter en eux la foi, seule chose essentielle à ses yeux pour le bonheur de la vie. Quant à la question que soulève l’institution du divorce, à savoir si la femme ne doit pas, avant tout, être mère, si le sort de ses enfans ne doit pas primer chez elle toute autre considération, c’est là un problème que Mme Leffler se garde bien de résoudre. Elle nous laisse à cet égard devant son point d’interrogation habituel, et le mot de la fin, qui semble résumer son sentiment : « Pauvre mère ! pauvres enfans ! » ne résout en somme rien du tout.
Dans un autre roman, Une Idylle d’été, c’est un chrétien, mais un chrétien aux vues larges et humaines, qui épouse la femme indépendante, la révoltée, pénétrée du scepticisme et de la morale modernes. Les mêmes complications surviennent. Si le jeune couple en évite les conséquences, c’est parce que le mari, qui a tenté de restreindre « le développement individuel » chez sa femme, cède en fin de compte et se sacrifie lui-même au besoin d’indépendance de sa femme.
C’est un beau caractère que celui de Falk le Norvégien, et Mme Leffler lui a rendu pleine justice, en dépit des besoins de la cause. C’est le chrétien au christianisme joyeux, optimiste, content de vivre, selon la doctrine de Grundtvig. Il est pénétré du sérieux de la vie, mais aussi de sa beauté ; il a confiance dans l’humanité, dans les bienfaits de l’instruction. Cette religion pratique et large est en harmonie avec sa nature exubérante et forte, sa stature athlétique, ses penchans humanitaires, son caractère