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II

Le premier travail qui attira l’attention sur le jeune médecin militaire fut un mémoire sur la Conservation de la force, paru en 1847 ; railleur avait alors vingt-six ans. C’est du contact, ou plutôt du conflit d’une idée philosophique avec un principe de mécanique rationnelle qu’était née, dans son esprit, l’idée de cet opuscule.

À cette époque, la plupart des physiologistes tenaient pour l’animisme de Stahl. Cette théorie soutient, comme on sait, que, si les forces physiques et chimiques agissent sur les organes et dans la substance des êtres vivans, la loi de leur action est soumise, pendant la vie, à l’empire d’une force particulière et sui generis : la force vitale. Suivant Stahl, cette force ne serait autre chose que rame elle-même ayant le pouvoir de diriger, de modifier, de suspendre pendant la vie les lois de la physique et de la chimie ; ne rendant qu’au moment de la mort à ces forces inférieures l’autonomie dont elles profitent pour amener la décomposition du cadavre. Cette théorie est depuis longtemps abandonnée ; elle a été très vivement combattue, par Claude Bernard notamment ; elle correspondait néanmoins à un besoin réel de l’esprit. Bichat a défini la vie l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort, et il est certain que, dans l’organisme vivant, les différentes forces n’agissent pas comme sur les corps bruts. La matière inorganique obéit aveuglément à l’action de la pesanteur ; la matière organisée, au contraire, depuis l’arbre qui pousse ses branches et ses feuilles vers le ciel jusqu’à l’homme qui gravit une montagne, prend ou peut prendre une direction contraire à celle que détermine la loi de la chute des corps. Beaucoup de réactions chimiques ne commencent qu’après la mort. La vie, quelle qu’en soit la définition, agit donc bien comme une force qui modifie au moins les effets des autres forces connues, la pesanteur, l’affinité, etc. Mais dans quelle mesure et de quelle manière, entre quelles limites, peut s’opérer cette modification ? Helmholtz, préoccupé de la question, se demandait si, par exemple, on ne pourrait pas concevoir une action de la force vitale telle que le mouvement perpétuel devint possible en mécanique.

Il se posa le problème dans les termes suivans : « 1° Quelles sont les relations qui doivent exister entre les forces naturelles pour que tout mouvement perpétuel soit impossible ; 2° ces relations, une fois déterminées par la théorie, existent-elles en réalité ? »