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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 136.djvu/88

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De ces réflexions sortit le mémoire intitulé Die Erhaltung der Kraft, la Conservation de la force, ou, plus correctement, de la force vive, de l’énergie. La grande objection contre laquelle se heurtait le principe de la conservation de l’énergie, déjà posé par Leibnitz, était une objection de fait. Si un poids suspendu tombe et arrive sur le sol, ou sur un obstacle quelconque qui l’arrête court, que devient l’énergie ? Elle semblait se perdre. De même dans le frottement, etc. S’appuyant sur les premiers travaux de Joule qui venaient de paraître et qu’il cite consciencieusement, Helmholtz prouve que cette déperdition n’est qu’apparente et que l’énergie cinétique du poids s’est transformée en une quantité correspondante de chaleur objective, c’est-à-dire en ce mouvement moléculaire qui produit sur nous la sensation calorifique, sur la plupart des corps la dilatation, etc. Dans la chaleur ainsi produite, on retrouve exactement l’équivalent de l’énergie primitive. Il est donc établi qu’au principe de la conservation de la masse, sur lequel Lavoisier a fondé la chimie moderne, il faut joindre le principe de la conservation de l’énergie entrevu par Leibnitz, s’unissant dans la formule célèbre :


Ex nihilo nihil in nihilum posse reverti.


Là n’est pas encore peut-être la véritable originalité du mémoire d’Helmholtz, puisque Joule et Robert Mayer étaient arrivés de leur côté à la même conclusion. Mais, en définitive, le principe n’était démontré que dans le domaine de la mécanique. Rien ne permettait d’affirmer a priori que les forces développées par l’électricité, par l’affinité chimique, par les muscles des êtres vivans, fussent soumises à la même loi. Helmholtz entreprend de démontrer l’exactitude de cette induction, et il y réussit. Cette démonstration est d’autant plus méritoire qu’à l’époque où il écrivait, les expériences faisaient presque complètement défaut ; à chaque instant il indique comment il faudra s’y prendre pour combler cette lacune, et à chaque instant aussi, dans la dernière édition de son mémoire, on trouve en note : « Confirmé depuis[1]. » En démontrant ainsi l’équivalence, sinon l’identité, des forces naturelles connues jusque-là sous des noms différens, en

  1. C’est dans le cours de cette investigation qu’Helmholtz découvre la théorie de ces courans d’induction qui se produisent lorsque deux fils traversés eux-mêmes par un courant sont rapprochés ou éloignés l’un de l’autre par une cause mécanique. En vertu de la loi d’Ampère, ces fils s’attirent ou se repoussent. S’ils se rapprochaient ou s’éloignaient sous l’influence de cette attraction ou de cette répulsion, cette force exécuterait un certain travail. Le mouvement se produisant en dehors de l’action de cette force, il reste un excédent d’énergie disponible qui se traduit par un accroissement ou une diminution des courans primitifs. Lenz et Neumann avaient trouvé la loi. Par un effort de généralisation, Helmholtz trouve la raison de la loi et donne la formule du phénomène.