écrire et arriva vite à la célébrité. Une série de romans : En séance, l’Argent, Marianne, révélèrent en elle des dons au-dessus de la moyenne. Elle prenait parti contre le mariage, contre le ménage surtout et la part qui y est faite à la femme, contre une morale taillée sur le même modèle pour tous les tempéramens et qui étouffe tout sentiment individuel, contre des lois sociales qu’elle déclarait fondées sur des préjugés héréditaires.
Plus tard, elle écrivit en collaboration avec M. Lundegard, jeune romancier qui s’est fait un nom parmi les romanciers qui aspirent à un retour vers l’idéalisme. Mais les douleurs physiques dont elle continuait à souffrir, et surtout la terrible oppression morale, la déprimante et irrésistible mélancolie qui en résultait, eurent finalement raison de son courage et de sa force d’âme. Ce qu’elle avait pu supporter dans son village lui parut tout à coup insupportable, au milieu de la liberté et de la célébrité qu’elle s’était désormais acquises. Elle se tua, à peine âgée de quarante ans. Sa correspondance publiée récemment, et une notice biographique que lui a consacrée Mlli Ellen Key, n’ont pas réussi à éclairer complètement ce caractère original, prime-sautier et contradictoire, que les souffrances physiques et morales finirent par obscurcir, sans jamais parvenir à l’aigrir.
Le roman de M. Tor Hedberg, Judas, est une curieuse étude psychologique, un essai de réhabilitation de l’archi-traître de l’Evangile, par une nouvelle théorie sur les mobiles de son action. C’est une œuvre bizarre et qui mériterait bien aussi un examen plus détaillé. De même, le roman symbolique de Mlle Selma Lagerlöf, qui a tiré un heureux parti des vieilles légendes, des croyances populaires de sa province natale, le Vermland. Sa Saga de Gustave Berling est animée d’une vie intense ; le légendaire et le réel s’y mêlent et s’y enchevêtrent, et semblent s’éclairer mutuellement d’une forte lumière. De même encore l’œuvre considérable de M. G. Nordensvan : théâtre, roman, critique littéraire ; le roman de famille de Mme Armanda Kerfstedt ; les nouvelles paysannes de M. Edouard Beckström. Toutes ces œuvres seraient intéressantes à étudier. Mais une telle étude nous entraînerait au-delà des limites de cette esquisse.
Au surplus, les quelques individualités littéraires que j’ai essayé de faire connaître, et qui sont caractéristiques dans les différens genres de la littérature contemporaine, auront suffisamment indiqué les tendances actuelles du roman suédois. Ainsi l’on a pu voir naître le naturalisme sous l’influence de courans venant du dehors. Ce naturalisme est d’ailleurs mêlé de romantisme, d’idées abstraites, de polémique politique et sociale. Sous l’impulsion