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de leurs patrons, comme il l’avait fait à Tunis, que, moyennant le paiement d’une lune de 3 écus, on les dispensât de tout travail servile et qu’on leur permît de vaquer aux offices divins dans les six bagnes de la ville. En outre, il organisa parmi eux des conférences pour l’étude de la Sainte Écriture et l’édification mutuelle, sur le modèle de celles que saint Vincent avait instituées à Saint-Lazare. Par ces mesures, il atteignait un double but : multiplier les secours spirituels aux esclaves chrétiens, tout en rendant aux clercs conscience de leur vocation.

Malgré sa mauvaise santé, il avait été chargé des fonctions de consul par le suffrage des Français. Il les exerçait encore lorsque Tourville parut devant Alger avec l’escadre française ; cette démonstration suffit pour faire ratifier le traité proposé par le roi de France (12 mai 1679). Ce ne fut pas sa faute, si la paix fut rompue deux ans après, mais l’effet de la mauvaise volonté du commandant des galères de Marseille. Dans l’hiver de 1670, sept Turcs algériens avaient été pris par un vaisseau français, sur un navire espagnol et envoyés au bagne de Marseille, pour ramer sur les galères du Roi. Les autorités d’Alger réclamèrent leur mise en liberté, et, en vertu des capitulations avec la France, ils étaient dans leur droit : aussi Jean Le Vacher appuya-t-il la réclamation du Divan. Colbert, alors ministre de la marine, donna l’ordre d’élargir ces esclaves turcs, mais il avait compté sans le général, ou plutôt le commandant des galères de Marseille, qui, ayant en eux des rameurs vigoureux, fit la sourde oreille. Quatre ans après, les malheureux ramaient toujours sur les galères du Roi, à travers la Méditerranée, et notre consul d’Alger écrivait (13 mai 1680) : « Le seigneur Dey attend toujours les sept Turcs ou Maures de cette ville, injustement détenus à Marseille. » Enfin, la sixième année, Baba-Hassan perdit patience et rompit la paix avec la France (oct. 1601). Au bout de quelques semaines, les corsaires d’Alger avaient enlevé vingt et un navires français, dont le chargement était évalué à 600 000 livres, et fait un nombre considérable de prisonniers ; entre autres, M. de Beaujon, gentilhomme de la Chambre du Roi, chargé d’une mission sur les côtes d’Italie, qui fut vendu, comme esclave, 30 000 livres (lettre de Le Vacher, du 13 décembre 1681), soit environ 700 000 livres pour sept têtes de Turcs ! La note à payer était lourde. Louis XIV, cette fois, se courrouça et chargea Duquesne d’aller donner une verte leçon à ces pirates, qui prétendaient lui faire observer des traités qu’eux-mêmes avaient si souvent violés !

L’amiral français fit subir à Alger un premier bombardement (août-septembre 1682) qui démolit une cinquantaine de maisons,