issue d’une constitution trop démocratique et des véhémences du tempérament national. En ceci elle est plus à plaindre qu’à blâmer, et les autres Jugo-Slaves devraient le comprendre. Ils sont plus justes quand ils se bornent à demander quelles garanties positives leur apporté ce « Piémont », qui a eu le roi Milan en guise de Victor-Emmanuel, et dont le Cavour ne s’est pas encore révélé.
Les comparaisons sont souvent téméraires : quand on s’arrête à la surface, on raisonne toujours faux. Le Piémont était adossé à une grande puissance, qui favorisait ses vues, et ce n’était pas un élément négligeable, dans l’atmosphère de confiance qui l’entourait. Au contraire, sur le flanc des Serbes agit incessamment un empire dont l’intérêt est d’empêcher à tout prix leur développement, parce qu’il y trouve, — et c’est évident, — la contradiction vivante du Drang nach Osten ; plus encore, un état d’esprit qui, par sa tendance logique, finirait par compromettre l’intégrité du vieux patrimoine des Habsbourg. La Russie, protectrice naturelle de tous les Slaves, plus étroitement encore des orthodoxes, aurait pu, il est vrai, prendre « l’idée serbe » sous son haut et public patronage. C’est sous une forme plus discrète, en s’épargnant l’embarras de précisions irritantes et prématurées, qu’elle a fait sentir, jusqu’ici, son influence dans les Balkans.
Reste la fatale rivalité du rite latin et du rite grec. Quelle que soit la valeur des hommes d’Etat de Belgrade, ici, un dilemme les oppresse. Pour rassurer tout à fait l’élément catholique, ils auraient besoin de lui montrer une société neutre, protégeant ou tolérant, dans un esprit de stricte égalité, tous les cultes, sans tradition, sans physionomie confessionnelles. Mais précisément que resterait-il de vitalité à « l’idée serbe », hors de ses frontières territoriales, si elle n’associait intimement le culte à la nationalité ? et comment a-t-elle protégé, en Autriche, les Serbes d’origine, contre l’assimilation des Magyars et même des Croates, sinon par la barrière de l’orthodoxie ? Les classes dirigeantes, en Serbie, ne passent point pour dévotes, et le reproche de fanatisme, adressé à elles, sonne faux. Une détente sensible s’est même produite, depuis quelques années, entre le gouvernement et les catholiques ; l’article 35 du traité de Berlin est respecté ; au budget sont même inscrits des crédits pour les cultes dissidens. Il n’en est pas moins vrai que la Serbie a une église nationale, qui reste, à la lettre, une des faces de la patrie et au dehors se confond avec elle. Ses hommes d’Etat, ses écrivains, diront que c’est par nécessité politique qu’ils entretiennent dans le Banat, dans le Syrmium, en Bosnie, cette sorte de compénétration du sens