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LE CONGRÈS SOCIALISTE INTERNATIONAL
DE LONDRES

Le Congrès socialiste international de 1896 à Londres a fait quelque bruit dans le monde, peut-être plus de bruit, ou du moins d’une autre espèce, que ses amis les plus sages ne l’eussent souhaité. A Langham Place, dans le Queen’s Hall, on s’est disputé fort et ferme, on s’est querellé, on s’est même colleté. On a voulu voir dans ces incidens un symbole amusant de la réalité : les fiers ennemis de la société délibérant en paix sous l’égide des vils séides de l’autorité. D’autres ont affecté de ne donner à cette grande convention que tout juste la portée de l’un de ces innombrables congrès que voit éclore régulièrement cette saison de l’année et où, sous le prétexte de leurs chères études, tant d’hommes graves vont braver l’ennui et défier l’indigestion. Quand, à la fin de la première séance, la voix sonore d’un délégué anglais notifia aux congressistes la munificence de l’Alhambra et de l’Empire, — deux établissemens analogues aux Folies-Bergère, expliqua le tentateur, — et qui offraient leurs entrées à mi-prix, cette annonce sembla justifier les moins charitables hypothèses. Les socialistes, toutefois, ont bien le droit de s’amuser, s’il leur plaît. Plus sévère, plus redoutable a été le jugement de ceux qui ont envisagé ces scènes de désordre comme un vice fondamental, un inexpiable tort. Peut-être cette vue est-elle un peu bien sommaire et trop peu philosophique. Après tout, n’y a-t-il pas quelque pharisaïsme à exiger d’une assemblée à la fois populaire, révolutionnaire et polyglotte, un calme et un ordre parfaits ? J’ai ouï dire qu’on a parfois vu des scènes assez analogues dans des assemblées incomparablement plus vénérables, des assemblées authentiquement représentatives, où le respect du mandat électif