Tant d’entraves expliquent assez la gaucherie des mouvemens du Congrès. C’est vraiment se donner trop beau jeu que de faire abstraction de difficultés devant lesquelles une académie de Marc-Aurèles ou d’Epictètes aurait parfois perdu patience. Quand M. John Burns, député ouvrier de Battersea, membre du conseil de Comté de Londres, ex-condamné de Trafalgar Square, ancien enfant perdu du parti avancé, prend texte de ces scandales pour confier au Figaro « qu’il n’y a pas eu dans l’histoire des Congrès du travail d’aussi gigantesque fiasco », l’on est tenté de lui dire : Vous êtes orfèvre, monsieur Josse, et de rechercher les mobiles d’ordre personnel qui lui ont dicté un si impitoyable jugement. Quand M. Fenwick, député mineur du Northumberland, grand trade-unionniste devant l’Eternel, contemple le Congrès avec tous les signes d’un dégoût manifeste, sifflote entre ses dents, hoche la tête, croise et décroise les bras et s’écrie à mi-voix dans un aparté fait pour être entendu de toute la salle : « Et voilà les hommes qui prétendent gouverner le monde ! » M. Fenwick oublie ce qu’il a vu dans des assemblées qui, elles, gouvernent de fait le monde, et il impose une loi bien rigoureuse à ses frères en travail manuel. Pour moi qui ne suis point orfèvre, j’ai cru qu’il y avait quelque chose de mieux à faire que de s’arrêter aux bagatelles de la porte ou de s’accorder le facile plaisir de rire de ce qui ne prête que trop à rire, tout en donnant une fois de plus aux amis de l’ordre social la satisfaction non moins dangereuse que vulgaire de triompher de la folie et des faiblesses de ses adversaires. Il y a quelque cinquante ans, le Times étonnait et scandalisait le public conservateur et la bonne compagnie en Angleterre en terminant un grand article sur la Ligue contre les droits sur les céréales, ce monstre révolutionnaire, par ces mots d’une simplicité éloquente : « La Ligue est un fait, un grand fait. » Eh bien ! il m’a semblé voir que le Congrès de Londres, si banal qu’il ait été par certains côtés, si fertile en scandales, si impuissant à se gouverner, n’en constitue pas moins sous quelques rapports un phénomène nouveau et d’une haute importance. J’aimerais à dire rapidement et en toute sincérité ce qu’il a été, ce qu’il a fait, en quoi il est simplement un anneau dans une chaîne qui remonte bien haut, en quoi il est le symptôme et le point de départ d’une évolution nouvelle.
L’importance d’une convention de parti tient naturellement dans une certaine mesure au nombre de ceux qui y prennent part. Je dis dans une certaine mesure, parce qu’il est évident qu’il y a