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La scène est un peu plus difficile à reconstituer ; il y faudrait faire encore quelques fouilles, enlever les pierres inutiles qui sont tombées du faîte, relever les colonnes étendues près de leur base et donner quelques coups de pioche vers les côtés ; le travail en serait peu coûteux et le profit considérable. En l’état où sont les choses, voici ce qu’on peut affirmer. La scène, ou, comme on disait, le pulpitum, s’élève d’à peu près 1 mètre au-dessus de l’orchestre. Le mur qui l’en sépare ressemble tout à fait à celui du théâtre de Timgad ; il n’est pas droit, comme chez nous, mais contient une série d’enfoncemens, ou de niches alternativement arrondies et carrées. Dans les niches arrondies, et principalement dans colle du milieu, il devait y avoir un petit autel. Quant aux deux niches carrées, peut-être servaient-elles, comme au grand théâtre de Pompéi, à faire communiquer la scène avec l’orchestre ; mais tandis que celles de Pompéi ont conservé leurs marches de pierre, il n’en reste plus aucune trace à Dougga. Dans les théâtres antiques, la scène est toujours fort étroite, ce qui nous surprend beaucoup, quand nous songeons aux représentations qui s’y donnaient et au nombre des acteurs qui devaient y figurer. Nous ne sommes pas moins étonnés de voir que nos toiles de fond, que nous changeons à notre gré, et qui nous permettent de donner plus de variété au spectacle, y sont remplacées par un grand mur, flanqué de colonnes, décoré de moulures élégantes, couvert de revêtemens de marbre et de stuc, surmonté d’un toit en pente. Ce mur est généralement percé de trois portes, la porte royale, au milieu, par où les personnages importans, qui sont censés sortir du palais, entrent sur la scène, et les deux portes des étrangers, qui donnent accès à ceux qui viennent du dehors. C’est ce qu’on voit très clairement dans le théâtre d’Aspendos, en Asie Mineure, et dans celui d’Orange, où cette partie de la scène est bien conservée. Il ne paraît pas en être tout à fait ainsi à Dougga ; le mur du fond y existe sans doute, comme dans les autres théâtres, mais au lieu de s’élever jusqu’au faîte, il n’a guère que 1m, 40 de hauteur. Ce n’est pas un mur droit, on y remarque trois enfonce-mens ou niches très profondes ; deux sont quadrangulaires, celle du milieu, qui est de beaucoup la plus grande[1], est semi-circulaire. Elles ont toutes les trois une ouverture sur l’arrière-scène ; c’étaient évidemment les trois portes réglementaires que nous retrouvons partout. Chacune de ces portes est précédée de deux colonnes de près de 6 mètres de haut, qu’on a relevées sur leurs bases. En avant de la niche de gauche, entre les deux colonnes, une statue

  1. Selon M. Carton, elle mesure plus de 3 mètres de profondeur.