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assise, de près de 2 mètres, est restée à la place où on l’avait mise, et il est probable que cette disposition se reproduisait de l’autre côté. Il faut avouer qu’elle est singulière ; cette statue, qui cache la vue de la porte, devait gêner l’entrée en scène des acteurs et nuire à certains effets dramatiques ; mais ici l’architecte paraît avoir tout sacrifié au désir d’obtenir un bel ensemble décoratif. Ce qui complétait l’effet général, c’était une série de colonnes, dont on a retrouvé les bases sur la corniche du petit mur et qui devaient être de proportions un peu moindres que celles qui Manquent les portes[1].

Une question reste obscure. Un mur de 1 mètre et demi ne pouvait pas former la clôture de la scène ; pour qu’elle fût véritablement fermée, il fallait qu’il y en eût un autre par derrière, qui montât, comme ailleurs, jusqu’au haut du théâtre. Mais où se trouvait-il ? Ce qui paraît d’abord le plus vraisemblable, c’est qu’il était tout contre les niches et adossé aux portes. Cependant M. Carton croit en avoir retrouvé quelques vestiges un peu plus loin, à 1m, 50 en arrière. Dans les deux cas, je pense qu’on peut regarder les terrasses sur lesquelles portent les petites colonnes comme une sorte d’avant-corps, et de décoration appliquée au mur principal. De toute manière, la conséquence de cette disposition devait être de donner à la scène plus de profondeur et d’étendue. Mais, je le répète, pour se prononcer définitivement, il faut attendre que les fouilles aient été reprises et qu’elles soient achevées.

Je n’ai rien à dire de la colonnade qui, à Dougga, comme à peu près partout, règne devant le théâtre. Elle formait un portique qui servait aux spectateurs de promenade pendant les entr’actes, et de refuge, quand il survenait quelque orage ; de là, le regard embrassait toute la plaine, qui devait former un très agréable spectacle. Elle est encore aujourd’hui semée de bouquets d’oliviers, de champs de blé et de pâturages ; on suit de l’œil la ligne des aqueducs brisés qui amenaient l’eau dans la ville. A l’horizon, les collines s’étagent, couvertes souvent à leur sommet de ruines-antiques, tandis qu’au loin se dressent les cimes dentelées des grandes montagnes, qui se perdent dans la brume ; mais que la vue devait être plus belle et plus animée quand d’élégantes villas remplaçaient ces huttes et ces gourbis, que les champs étaient pleins de travailleurs, que les voyageurs et les chars sillonnaient ces routes désertes, et qu’au lieu de quelques pauvres villages disséminés on pouvait apercevoir les cinq ou six villes

  1. M. Carton leur attribue une hauteur de 1m, 80.