obtenue en lui offrant des garanties qu’il devait plus tard lui refuser obstinément, il prit hardiment son parti de brusquer les événemens. Dès la fin de l’année 1865, on ne gardait plus à Vienne qu’un vague espoir de conserver la paix. Les dissentimens que M. de Bismarck ne cessait de susciter dans les Duchés en accusant les fonctionnaires autrichiens de méconnaître ou d’entraver la légitime action des agens prussiens, ses menées à Paris, à Florence, celles qu’il pratiquait à Francfort pour semer l’inquiétude et la mésintelligence au sein de la Diète ne permettaient guère plus à la cour de Vienne de douter de sa ferme intention de provoquer un conflit prochain. Bientôt le traité d’alliance offensive et défensive conclu avec l’Italie, anxieuse d’être mise en possession de la Vénétie, démontra aux conseillers de l’empereur François-Joseph que le péril était imminent, et dans cette conviction ils ordonnèrent quelques mesures préparatoires pour ne pas être pris au dépourvu. Quelques régimens furent concentrés en Bohême. Et M. de Bismarck de s’écrier aussitôt : « L’Autriche arme, elle a des intentions agressives ; la Prusse est tenue de pourvoir à sa défense. » Secondé par le général de Moltke, exagérant avec lui les dangers de cette situation, il détermina le roi, qui y inclinait personnellement, à prendre, de son côté, des dispositions préventives qui étaient déjà fort avancées dans l’armée prussienne. Rien ne saurait être comparé à ce prologue de la guerre pendant lequel le véritable agresseur invoque les exigences de sa propre sûreté pour se mettre rapidement en état de se mesurer avec son adversaire. Le roi Guillaume lui-même jouait son rôle avec sa bonne grâce habituelle dans cette comédie qui devait bientôt dégénérer en un drame sanglant. Interpellé par la reine douairière, veuve de Frédéric-Guillaume et sœur de la mère de l’empereur François-Joseph, sur l’objet de la convention signée avec l’Italie, il prétendit que cet accord ne contenait aucune disposition agressive, et il autorisa sa belle-sœur à en transmettre l’assurance à Vienne.
Au même moment, M. de Bismarck engageait avec le cabinet de Vienne une polémique officielle qui est un monument de duplicité et donne la mesure de son inépuisable dextérité à décliner les reproches qu’on lui adresse pour en rejeter la responsabilité sur son compétiteur. La lecture en est instructive, mais peu édifiante ; elle constitue, pour les futurs historiens comme pour les futurs diplomates, un ensemble de documens qu’ils feront bien de méditer mûrement. Il accusait l’Autriche de déguiser ses armemens, comme ses mauvais desseins, et de les pousser activement dans une pensée, disait-il, qui n’abusait plus personne ; il renvoyait ainsi au cabinet de Vienne les reproches que celui-ci ne