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avènement en 1784, s’était attaché à élever le niveau de cet art. Sans parler d’un théâtre subventionné par lui et qui soutenait la comparaison avec les premiers de l’époque, sa chapelle jouissait aussi de la renommée la plus légitime, et Beethoven devait tirer de cet avantage un profit singulier.

L’instruction littéraire du jeune garçon avait été, on le conçoit, assez négligée. Bien que plus tard il se fût efforcé d’en combler les lacunes, il éprouva toujours une grande difficulté à écrire une lettre, et il conserva une aversion extrême pour toute correspondance. Mais sa vocation était trop évidente pour que son père lui-même ne reconnût pas la nécessité de le confier à un maître. Ses progrès furent tels qu’à l’âge de 14 ans, il était nommé organiste adjoint. Il commençait aussi à être connu et apprécié à Bonn, où il comptait des protecteurs et des amis très dévoués. Mais c’est surtout parmi les musiciens de la chapelle qu’il trouvait les relations les plus utiles. Dans cet orchestre dirigé par Joseph Reicha et composé d’une élite de trente et un exécutans, dont la plupart allaient devenir célèbres, on remarquait le violoniste Franz Ries qui recueillit chez lui Beethoven à la suite de la mort de sa mère et demeura toujours son ami ; le violoncelliste Romberg : Antoine Reicha, flûtiste et plus tard professeur d’harmonie, très considéré à Paris ; le corniste Simrock, l’éditeur bien connu. Avec de pareils élémens, Beethoven était bien placé pour se rendre compte de toutes les ressources que peut offrir la musique instrumentale, et avant d’exiger des autres la virtuosité nécessaire pour interpréter certaines de ses œuvres, il était devenu lui-même un exécutant de premier ordre. Il ne connaissait aucune difficulté, et dès 1791 Bossler, dans sa Correspondance musicale, parle avec les plus grands éloges du talent qu’il avait acquis comme pianiste. « Les meilleurs musiciens de la chapelle, ajoutait-il, sont ses admirateurs et, quand il joue, ils sont tout oreilles. » En 1792, dans la fête qui lui avait été donnée à Godesberg, près de Bonn, Haydn, à son retour de Londres, prodiguait aussi les encouragemens au jeune compositeur, et Thayer suppose même que dès ce moment Beethoven était convenu avec lui qu’il irait à Vienne se mettre sous sa direction[1].

Grâce à une subvention accordée par l’électeur, Beethoven put, en effet, réaliser ce voyage et recevoir les leçons de Haydn ; mais ce dernier s’étant de nouveau rendu à Londres un an après, son élève se mit entre les mains d’Albrechtsberger, organiste de la cour et l’un des plus habiles théoriciens de ce temps. Beethoven reconnaissait plus tard tout le fruit qu’il avait tiré des

  1. Langhans, Geschichte der Musik, II, p. 208 et suiv.