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pas tardé à le prouver. Il n’a rien compris à la situation de Madagascar. Cela vient sans doute de ce qu’il n’avait pas l’ouverture et la souplesse d’esprit nécessaires pour s’en rendre compte spontanément, mais aussi, il faut le dire pour être tout à fait juste, de ce qu’on n’avait pas dû la lui bien expliquer avant son départ de Paris. Ce que l’on conçoit mal s’énonce confusément. Nous connaissons les instructions qui avaient été données autrefois au général Duchesne et à M. Ranchot ; il serait très intéressant, il serait infiniment curieux de connaître celles qui ont pu l’être à M. Laroche. On constaterait sans doute, à sa décharge, qu’il s’y est très exactement conformé. On lui a dit de pratiquer à la fois, et a doses à peu près égales, le protectorat et l’annexion ; de commencer par avilir le gouvernement malgache dans la personne de la reine, puis de le combler de ménagemens et de respects ; de se servir des gouverneurs et des sous-gouverneurs de provinces, mais néanmoins de les malmener à l’occasion pour leur bien faire sentir qu’ils n’étaient plus rien que par nous, et qu’il nous suffirait d’un geste pour les réduire à néant. En un mot, il s’agissait de conserver les formes extérieures et comme le décor du protectorat, et en réalité de pratiquer l’annexion. C’est bien ainsi qu’a opéré M. Laroche. Placé dans l’alternative de faire trop ou trop peu dans un sens ou dans l’autre, et de se montrer ou trop dur ou trop faible, trop sévère ou trop bienveillant, il a été tantôt l’un et tantôt l’autre, suivant l’inspiration du moment, croyant d’ailleurs qu’il lui suffirait, pour dominer les Malgaches, de faire de l’impression sur eux par le prestige de sa personne, ou même de son uniforme, et abusant en effet de ces exhibitions qui font bien dans les comices agricoles, mais qui ne suffisent nulle part comme procédés d’administration, ni comme moyens de gouvernement. M. Laroche était imbu en outre de toutes sortes de bons principes, qui sont sacrés chez nous depuis 1789, et qui témoignaient en lui d’une éducation vraiment libérale, mais qui n’étaient pas toujours à leur place au milieu d’un peuple encore très éloigné de nous en fait de civilisation, avec lequel nous étions en guerre la veille, et avec lequel nous risquions de l’être de nouveau le lendemain. C’est ainsi que M. Laroche n’a eu rien de plus pressé que de remettre en liberté des chefs de bande que son prédécesseur avait internés sans autre forme de procès, il faut bien l’avouer, et par mesure de simple police, mesure qui lui a paru peu conforme aux droits de l’homme et du citoyen. C’est ainsi qu’il n’a su réunir aucune milice locale, aucune troupe indigène pour renforcer nos minces effectifs, parce qu’il n’a pas cru devoir procéder par voie de réquisition, mais-seulement par enrôlemens volontaires, et qu’il n’y a pour ainsi dire pas eu de ces enrôlemens. Et il en a été ainsi pour tout.

Le tort capital de cette administration est d’avoir tout détruit, sans rien mettre à la place de ce qu’elle détruisait. L’organisation préexis-