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tante dont nous parlions tout à l’heure, et qui s’appuyait sur le village pour aboutir au gouvernement central de Tananarive, a cessé de fonctionner. La responsabilité des chefs de village, point de départ et garantie de tout le système, a été détruite ; on ne l’a plus invoquée, on a cessé de la rendre réelle et effective ; dès lors, il en a été de toute l’administration malgache comme d’une machine dont le principal ressort est avarié. Les suspects n’ont plus été surveillés, dénoncés, arrêtés. Les impôts sont mal rentrés, ce qui aurait été un mal encore plus grave si, par bonheur, le produit des douanes n’avait pas augmenté dans une proportion assez notable. Est-ce à dire que le mouvement commercial se soit accru ? On le croira difficilement ; mais, parmi les mesures nombreuses qu’a prises l’ancien ministère, il s’en est par hasard trouvé une de bonne, l’envoi de douaniers connaissant leur métier. Le revenu des douanes s’est donc élevé ; celui des autres impôts a diminué. Les gouverneurs de province, surtout les petits gouverneurs qui, étant dans l’Émyrne, se trouvaient plus rapprochés de nous, ont vu leur autorité décroître rapidement. Aussi les petits gouverneurs et les populations sur lesquelles ils avaient perdu tout ascendant se sont-ils bientôt retrouvés d’accord pour se tourner contre nous. Dans tous les pays du monde, il faut qu’il y ait quelque part une autorité. Elle était autrefois dans les hauts et petits fonctionnaires malgaches ; nous l’avons dégradée, puis brisée entre leurs mains ; mais alors, comme nous n’avions rien préparé pour cette éventualité, il n’y a plus eu d’autorité nulle part, il n’y a eu qu’anarchie, et, dans un pays comme celui que nous avons décrit, à la suite d’une guerre malheureuse pour lui qui avait déjà tout ébranlé, tout remis en question, le passage de l’anarchie à la révolte devait être rapide. Quelques jours ont suffi pour que l’Émyrne, fût en feu et que la guerre sainte y fût proclamée. Pendant ce temps, que faisait M. Laroche ? Il croyait sans doute tout ramener dans l’ordre, tout apaiser, tout pacifier, en comblant de ses prévenances non seulement la reine, mais tous les membres de la famille royale avec lesquels il vivait sur le pied d’une grande familiarité. C’était là un des retours de ce système de bascule qui consistait à garder les vaines formes du protectorat après en avoir sacrifié la substance. Quel en a été le résultat ? L’attitude de la reine a toujours été correcte, dit-on, mais il n’en a pas été de même de celle des membres de sa famille, et de ceux-là mêmes qui paraissaient avoir avec le résident-général les relations les plus cordiales. Il est aujourd’hui avéré que l’insurrection n’a pas de plus fermes appuis, ni de pourvoyeurs plus actifs. De quelque côté que nous nous tournions, nous ne trouvons que la révolte, ou la trahison.

Avons-nous besoin de dire que le vote inconsidéré de la Chambre, qui a décidé la suppression immédiate et pure et simple de l’esclavage, a ajouté à toutes les difficultés au milieu desquelles nous nous débat-