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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 138.djvu/329

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ce qui arriverait, en examinant un pays, le Mexique, où la libre frappe de l’argent existe, et dont l’exemple, par conséquent, doit donner l’idée de ce qui se passerait partout où une législation monétaire semblable serait adoptée. Il convient seulement de tenir compte de l’importance relative des pays dont il s’agit : une masse comme celle des Mats-Unis est moins prompte qu’une communauté plus petite à ressentir le contre-coup des influences extérieures. Or la piastre mexicaine, qui contient un peu plus de métal argent qu’une pièce de 3 francs française, vaut en ce moment 2 fr. 75 ; elle monte et baisse selon les fluctuations du cours du métal blanc. Le fait qu’elle a force libératoire au Mexique ne l’empêche pas de subir les oscillations du marché des métaux précieux. Il en serait de même pour le dollar américain. Si un droit de douane était mis sur l’argent à son entrée aux Etats-Unis, la valeur du dollar pourrait augmenter d’autant, mais elle n’en resterait pas moins instable, tout en étant majorée par rapport à celle du métal non monnayé.

En admettant donc que le pouvoir d’achat du dollar restât à l’intérieur ce qu’il est aujourd’hui, — et cela n’est ni probable, ni admis par les partisans de la réforme, puisqu’ils prédisent une hausse générale des prix, — il est hors de discussion qu’il baisserait au dehors aussi longtemps que l’argent serait lui-même déprécié par rapport, à l’or, c’est-à-dire aussi longtemps que l’argent vaudrait moins que le seizième de son poids en or, le rapport de seize à un étant celui que les réformateurs américains annoncent vouloir adopter. Ce qu’un Américain achète maintenant en France ou en Angleterre pour un dollar, il ne pourrait désormais l’obtenir à moins de deux dollars environ, si le cours de l’argent se maintient au niveau actuel. De ce chef donc les Américains ne recueilleraient aucun avantage, à moins que l’on ne considère comme tel une restriction apportée à l’importation : la brusque hausse des marchandises étrangères, évaluées en dollars, bouleverserait les affaires et ralentirait singulièrement, tout au moins au début, les achats faits par les Américains à l’étranger. Quant aux produits indigènes, si le raisonnement des argentistes est exact, ils doubleront, eux aussi, de valeur nominale : par conséquent le fermier qui aura reçu 1 000 dollars contre mille boisseaux de blé au lieu de 500 qu’il encaisse aujourd’hui, se procurera juste autant de vêtemens, de chaussures, de viande, de fruits, pour 1 000 dollars qu’auparavant pour 500. La seule économie qu’il fera peut-être au début de l’ère nouvelle sera sur les sommes qu’il paie à ses ouvriers. Une expérience fort ancienne a prouvé que le taux des salaires changeait moins vite que les prix de toutes autres choses. En Amérique même, pendant la guerre de