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connaissent pas de difficultés ; si pénétré de son sujet qu’il semble que ceux qui lui ont indiqué la voie soient des retardataires, et que si on n’accepte pas toutes ses conclusions on ne lui accorde rien. Il y a dans cette tentative un fait intéressant et nouveau, c’est qu’elle émane, non plus d’un orientaliste, qu’on pouvait toujours accuser de parti pris, mais d’un helléniste, qui vient apporter le précieux appui d’une connaissance approfondie des auteurs grecs à une thèse qui est la nôtre. Et, puisque M. Victor Bérard veut bien se réclamer de mon nom, mon seul mérite en cette affaire est d’avoir invoqué le témoignage de Pausanias et d’avoir dit, dans un travail ancien déjà, ce que je crois juste encore aujourd’hui : les cultes de Mégalopolis en Arcadie trahissent une influence phénicienne profonde, et la Vénus Uranie, Pandêmos et innomée de Mégalopolis, de même que la Vénus Uranie, Pandêmos et Apostrophia de Thèbes, ne sont que les trois formes, céleste, terrestre, infernale, que revêt dans tout l’Orient sémitique la grande déesse, au fond la seule, qui est un des élémens fondamentaux de cette triade qu’on retrouve partout, depuis Babylone jusqu’à Carthage, et que j’ai appelée la Trinité carthaginoise.


I

Lorsque après avoir longé les côtes de l’Attique on arrive en vue du Pirée, on ne remarque tout d’abord que les formes accidentées du Lycabète, auquel Athènes est adossée ; mais, peu à peu, on voit s’en détacher dans une lumière douce, dominant la plaine qui l’entoure, une petite hauteur aux flancs abrupts, que couronne une ligne pure et simple, harmonieuse dans ses contours, dont la vue fait éclater des cris d’enthousiasme et remplit l’âme d’émotion : c’est l’Acropole et le Parthénon. Telle est la magie des chefs-d’œuvre qui ont bercé notre jeunesse et dont l’humanité se nourrit depuis que la Grèce existe, qu’Athènes paraît se résumer dans son acropole de même que la Grèce tout entière se résume dans Athènes. Les chefs-d’œuvre ont un rayonnement qui fait pâlir tout ce qui les environne. Athènes a éclipsé Sparte, et, malgré ses défaites et ses dissensions intestines, elle a plus fait pour l’esprit humain que les armées et la puissante organisation militaire de sa rivale.

Et pourtant, derrière la merveilleuse efflorescence de cette civilisation, se dresse tout un passé qui l’a préparée et sans lequel on ne la comprendrait pas. Pallas a reçu des mains de Phidias son expression la plus parfaite et sa forme définitive ; mais la tête de Gorgone qui se voit sur son égide nous reporte à