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En présence de Zeus, d’Héra et d’Apollon,
En présence du Génie de Carthage, d’Héraklès et de Iolaüs,
En présence d’Arès, de Triton, de Poséidon,
En présence des dieux alliés Hélios, Séléné et Gé,
En présence des Fleuves, des Étangs et des Eaux,
En présence de tous les dieux souverains de Carthage,
En présence de tous les dieux souverains de la Macédoine et du reste de la Grèce.


Ainsi commence le protocole du traité d’alliance de Philippe de Macédoine avec le Sénat de Carthage, dont Polybe nous a conservé le texte. C’est la même conception que nous avons rencontrée dans les hauts lieux de l’Arcadie et de la Béotie ; elle se trouve exprimée, d’une façon plus théorique encore, sur ces cippes, découverts à Hadrumète par M. l’abbé Trihidez, et qui offrent, à la place de l’image de la divinité, trois cippes, dont celui du milieu domine les autres.

Nous touchons là au côté le plus intime de ces vieux cultes, et à celui qui montre le mieux leurs attaches avec les religions orientales. Au fond de toutes les mythologies sémitiques, nous trouvons toujours un dieu suprême et une déesse qui n’en est que le dédoublement. C’est la Baalat à côté de Baal. Ce couple divin donne naissance à un jeune dieu, dont les noms varient à l’infini avec les lieux, et qui est représenté le plus souvent sous les traits d’un enfant. Ce dieu, qui n’occupe dans l’ordre mythologique qu’un rang secondaire, tient presque toujours le premier rang dans l’adoration des fidèles, et il tend à devenir partout le dieu suprême, par suite de la grande loi qui fait de l’amour le maître des dieux et des hommes, et peut-être aussi parce que l’homme adresse de préférence ses prières à ceux des êtres célestes qui se rapprochent le plus de lui et participent le plus à sa nature et à ses faiblesses. C’est le dieu aux mille noms ; mais, qu’il s’appelle Adonis à Byblos, à Sidon Echmoun, Melkart à Tyr, ou bien encore Iolaüs, Adôdos, Ascagne ou Pygmalion, il a certains traits constans auxquels on le reconnaît toujours : c’est un dieu enfant qui meurt pour renaître. Tous les mythes qui se groupent autour de lui se rattachent toujours à la lutte du dieu avec un animal consacré à la déesse. Il a son tombeau, que l’on montre, et des fêtes qu’on célèbre en l’honneur de sa résurrection. Au fond, c’est le dieu solaire, l’amant de la déesse infernale, qui partage sa vie entre Perséphone et Aphrodite.

Ces traits sont si fortement marqués chez Adonis, qu’ils ont passé presque sans modifications dans la religion hellénique, avec le nom même du jeune dieu dont les femmes pleuraient la mort par les cris d’Adoni, « mon Seigneur ! » Mais on les retrouve