que se sont répandues, par une série d’invasions successives, toutes les religions qui ont régné sur l’Europe. La formation de la mythologie grecque est le résultat d’une de ces invasions. On a dit que, si les Grecs ont formulé l’idée du beau, les Romains celle du droit, l’idée religieuse appartient aux peuples sémitiques. C’est chez eux qu’est née cette idée d’un dieu insaisissable, qui sort de lui-même pour se manifester. Seulement, tandis que, chez les Juifs, d’un génie essentiellement unitaire, ces émanations divines sont restées à l’état flottant et n’ont jamais pris corps en un dieu doué d’une personnalité distincte, chez leurs voisins cette notion s’est développée et elle a donné naissance à ces superpositions de triades divines qui remplissent les cosmogonies orientales.
Qu’ont fait les Grecs ? Ils ont distingué tous ces dieux qui se confondaient les uns dans les autres, ils ont apporté de l’ordre et de la clarté dans les conceptions religieuses de leurs devanciers, ils ont réduit leurs dieux à des proportions plus humaines ; ils les ont faits à leur image ; ils ont créé la mythologie. L’histoire des dieux n’a plus été que le prolongement de l’histoire de l’homme dans le passé. La mythologie grecque n’est donc, à proprement parler, qu’une explication rationaliste de la religion. La vraie religion grecque doit être cherchée dans les mystères qui ont perpétué au sein de la Grèce la tradition des anciennes croyances ; et lorsque le génie grec, avec son besoin de clarté et son esprit philosophique, eut volatilisé le contenu des dogmes orientaux, une vague plus puissante, portée par l’orphisme et par le culte de Mithra, couvrit le monde, et le besoin de croire a amené le triomphe du christianisme.
Plus tard encore, quand le christianisme fut devenu religion officielle et qu’il eut reçu la forme invariable de ses dogmes, une nouvelle poussée de l’esprit oriental l’envahit et le gnosticisme tenta de faire pénétrer dans les cadres de la religion chrétienne toutes les vieilles théories cosmogoniques de l’Orient. Le christianisme en a triomphé, et il a balayé le grand abîme et Adamas et le Démiurge, et Eden et Achamoth, tous les couples divins et tous les Éons, pour ne laisser subsister que l’idée de la trinité dans toute sa simplicité, c’est-à-dire l’idée d’un dieu qui sort de lui-même pour se manifester à l’homme et se reproduit en un autre être également divin qui est son image parfaite.
Même depuis lors, ce procès ne s’est pas arrêté au sein du christianisme. Dans les anciennes religions de l’Orient, le dieu se dédouble ; il devient déesse, et c’est de l’union de ces deux êtres divins que naît le dieu fils. Le christianisme avait conservé cette conception, en la spiritualisant. Il avait banni la déesse mère et