Surtout ce qui excite chez le poète un doux émoi, c’est le coudoiement des idylles printanières. Le frôlement d’une jupe, la fuite d’un chapeau fleuri lui laissent un trouble délicieux, quoique mélancolique. On rencontre dans les rues de Paris des amours de trottins qui s’en vont le carton sous le bras, la frimousse au vent. Ce sont les sœurs des grisettes d’antan, aussi jolies, guère plus cruelles, avec des gentillesses d’âme et des délicatesses de sentiment qu’on ne trouve plus que là. L’une d’elles, que le poète Amédée Violette avait conduite à la tombe de Victor Hugo, eut une inspiration charmante. Elle s’agenouilla et posa sur la dalle le petit bouquet de violettes, dernier gage de la tendresse de son amant. M. Coppée est persuadé que Victor Hugo dut être content ; je le crois avec lui. Pour sa part il ne manque pas de sourire aux couples qu’il rencontre gentiment enlacés : étudiant avec sa petite amie, ouvrière avec son petit homme. Le salut amical qu’il leur envoie n’est pas dépourvu de gravité ; car les amoureux qu’on accuse parfois de folie sont en réalité les sages, et M. Coppée ne l’envoie pas dire aux empêcheurs de s’aimer sur les bancs. C’est un grand bénisseur d’oaristys. — Les couplets sur la patrie et sur la saison des amours, sur l’Empereur, les grisettes et le bon Dieu, ce sont des paroles à peines neuves sur un air connu. Ce thème a déjà servi. M. Coppée le sait comme nous, et quand pour le taquiner on prononce devant lui le nom de Béranger, il ne se fâche pas. Il est tout simple en effet qu’on ressemble à ceux sur qui on se modèle.
Dans cette attitude de chansonnier populaire et de bonhomme Franklin où viendra sans doute le prendre la lithographie, M. Coppée voit défiler devant lui la société contemporaine, si troublée, aux prises avec des questions si redoutables ! Sur toutes ces questions, il dit son mot en passant. Il a son opinion, comme c’est son droit de citoyen français, sur les revendications socialistes, sur les crimes anarchistes, sur le régime parlementaire, sur la vie future, sur les fêtes de Kiel, sur le fanatisme, sur le Congrès des religions, sur la guerre de Madagascar, sur la répartition de l’impôt, sur la colonisation et sur la décentralisation. Il nous la donne, en ses libres causeries, sans prétentions, mais avec plus de sérieux qu’on ne serait tenté de le croire : « En vérité, écrit-il, l’heure est formidable… » Il ne se fait aucune illusion sur la compétence qu’il peut avoir en ces matières variées. Mais il remarque justement que depuis qu’elles sont remises au bon plaisir des gens compétens, les choses vont de mal en pis. Politiciens, statisticiens, économistes et sociologues, ce dont ils manquent tous, c’est de générosité. Les opinions de M. Coppée sont généreuses, et elles sont spontanées ; elles jaillissent tout d’un coup de sa conscience ; c’est ce qui leur donne leur valeur et, je ne craindrai pas de dire : leur autorité. Sans s’en douter peut-être, M. Coppée est en train de devenir un des guides de l’opinion, ou tout au moins un de ses représentans