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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 138.djvu/522

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plus loin et qu’il va, en effet, plus loin qu’à changer « le mal d’estomac pour le mal de tête[1]. »

Je dis « le système », et non une proposition détachée du système. Aussi bien, quelle est cette crise ? la crise de l’État moderne, non pas seulement une crise du régime parlementaire ; et quelle en est la solution ? non pas seulement l’organisation du suffrage universel, mais l’organisation de l’Etat moderne, demeuré jusqu’ici inorganique et comme fortuit, spontané ou improvisé.


I

Organiser le suffrage universel est assurément la première partie du programme, la plus importante à la fois et la plus urgente. On sait quel devrait, suivant nous, et pourrait être le principe de cette organisation. Il ne saurait y avoir de représentation organique là où il n’y a pas représentation réelle du pays ; et il ne saurait y avoir représentation réelle du pays là où quelque chose a une place dans le parlement qui ne vit pas réellement dans le pays, ni là où quelque chose qui vit réellement dans le pays n’a pas sa place dans le parlement.

Tout effort, par conséquent, vers une représentation organique tend à rapprocher la représentation nationale de la vie nationale, à donner celle-ci pour base à celle-là ; et, si la vie nationale est la résultante d’une multitude de vies individuelles et d’un certain nombre de vies collectives, la représentation nationale la plus exacte, la plus complète, la plus organique, sera celle qui contiendra en abrégé le plus, comme quantité et comme intensité, de ces vies individuelles et de ces vies collectives. Et, par conséquent, pour s’en tenir à la coupe britannique (et en quelque façon classique) du parlement en deux Chambres, il nous a semblé que la première, la Chambre des députés, pourrait être plus spécialement la Chambre des vies individuelles, et la seconde, qu’on appellerait Sénat ou de tout autre nom, la Chambre des vies collectives ; que l’ensemble embrasserait à peu près et résumerait la vie nationale ; que, de la sorte, enfin, l’on aurait une représentation organique.

Au point de vue pratique, pour la Chambre des députés, le moyen d’y introduire le plus de vies individuelles le plus réellement vécues a paru être, en respectant le suffrage universel, de grouper tous les citoyens eu catégories professionnelles très ouvertes et très larges, de doubler d’une circonscription sociale la circonscription géographique. Le moyen de fonder le Sénat sur la

  1. Guichardin. Del reggimento di Firenze, lib. Ier. Œuvres inédites, t. II, p. 100.