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base des vies collectives, qui sont, elles aussi, et font de la vie nationale, on a pensé le trouver dans l’attribution du vote aux unions locales de divers ordres : unions territoriales, naturelles ou administratives, communes, départemens : unions civiles ou sociales, corps constitués, sociétés savantes, associations que la loi déterminerait.

Contre un Sénat ainsi recruté, on ne voit pas bien les objections qui s’élèveraient, si ce n’est que ces dernières unions, les unions civiles ou sociales, ne sont pas suffisamment définies ; mais la définition n’en est, tout de même, pas impossible à donner, et pourquoi, par exemple, ne serait-ce pas : « toutes les associations qui ont un objet d’intérêt public ? » — Quant au Sénat, en somme, peu de contestation ; la défense de la Bastille parlementaire se concentre autour de la Chambre des députés.

Marquons pourtant un point gagné : on ne nous envoie pas les boulets de pierre dont nous nous étions permis de supposer que l’antique arsenal était plein ; on ne nous a pas soupçonné de vouloir restaurer « les ordres » et les « corporations. » On se sert d’argumens d’un modèle plus récent. — « Ce système, on le connaît bien, s’écrient les uns : c’est la représentation des intérêts ! » — Et les autres : « Oui, sans doute, on le connaît bien : c’est la représentation professionnelle ! » — « Avec la représentation des intérêts, comment faire pour que les intérêts privés ne priment pas l’intérêt général ? » demandent les uns. — Et les autres : « Avec la représentation professionnelle, comment faire pour que le groupement ne soit point arbitraire ? »

« Chaque groupe, ajoutent les uns, fera masse pour s’opposer et se préférer à ses voisins, qu’il traitera en concurrens. » — Et les autres : « Dans chaque groupe, quel rapport y a-t-il entre tels et tels individus ? »

Coupant court à toutes ces querelles : « Vous divisez trop ! » nous reprochent les uns. — Mais les autres : « Vous ne subdivisez pas assez ! » — Les uns : « Vous particularisez tout ! » — Et les autres : « Vous n’organisez rien ! » Bouleversement, suivant les uns, amusement suivant les autres : — « Vous nous livrez aux ouvriers », gémissent les économistes. — Mais les socialistes vocifèrent : « Vous perpétuez, vous aggravez la tyrannie bourgeoise ! » — On pourrait longtemps continuer ainsi. Mais qui ne voit que dans cette coalition de gens que scandalise, effraye ou déconcerte la réforme proposée, il ne manque pas de contradictions ? qu’au total il en manque si peu, que la coalition se ruine toute seule, d’elle-même, par ses propres contradictions ?

Sans vanité, je ne crois pas qu’il y ait un de ces excellens