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querelles, sans fin et sans objet, de formules et de phrases, et le parlementarisme s’embourbe dans une stupide logomachie.

Eh bien donc ! quand même en ce que nous proposons il y aurait une certaine dose de représentation des intérêts, où serait le mal ? du moins où serait le plus grand mal ? Est-ce que, comme toujours et plus que jamais, ce ne sont pas les intérêts qui font tourner le monde ? Est-ce que partout les questions sociales ne sont pas en train de passer au premier plan, laissant loin derrière elles ce que l’on s’obstine à nommer les questions politiques ? Est-ce qu’il y a d’autres questions politiques, au fond, que ces questions sociales ? Mais, si beaucoup de questions sociales sont, au premier chef, des questions morales, beaucoup aussi sont des questions économiques ; et alors, où serait le mal, que le parlement, ayant surtout à résoudre désormais des questions économiques, fût constitué surtout suivant un classement économique ?

Il y aurait à cette disposition d’autant moins d’inconvéniens que la Chambre des députés, recrutée suivant ce classement, ne serait pas seule et sans contrepoids, qu’à côté d’elle, en face d’elle, serait un Sénat recruté d’après un cadre tout différent, à la base duquel on ne trouverait plus ni le nombre ni l’individu, ni aucune espèce d’intérêts particuliers, mais bien des groupemens, des vies et des intérêts collectifs.

Que nous le voulions, du reste, ou ne le voulions pas, en ce sens vont les choses et le courant nous entraîne. On a déjà remarqué avec raison qu’à maintes reprises, pendant ces dernières années, les Chambres se sont bornées à rédiger on articles de loi les vœux transmis et même les projets élaborés par des représentations spéciales, comme les Chambres de commerce, dont le rôle a été si considérable dans une circonstance récente. D’un autre côté, mais dans le même sens, un puissant mouvement se dessine en faveur de la création de Chambres d’agriculture, et, d’une manière générale, de Chambres professionnelles. Ce ne sont point là des postulats de théoricien, ce sont des faits ; et sur ces faits nous pouvons dire qu’est assise solidement la première de nos deux propositions, à savoir que notre système est fait, ainsi que le recommandait J. Stuart Mill, « pour les hommes tels qu’ils sont ou ne peuvent manquer d’être prochainement. »


II

La seconde proposition est celle-ci : « Notre système vise plus loin et va en effet plus loin qu’à changer, selon le mot expressif et réaliste de Guichardin, le mal d’estomac contre le mal de