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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 138.djvu/529

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figure de lois, de les rédiger en un bon texte et de les codifier en un bon ordre.

Mais ce corps est-il vraiment à instituer en France ? et avons-nous à le faire surgir de terre ? N’existe-t-il pas déjà ? et s’agit-il d’autre chose que de lui permettre de rendre, après avoir atteint son complet développement, tous les services qu’on serait en droit d’attendre de lui ? au premier rang desquels cet incomparable service de nous sauver des décadences faciles aux démocraties, de maintenir en nous l’aptitude au progrès, de nous doter, par une législation supérieure et en tant que c’est affaire de législation, d’un gouvernement et d’une politique dignes « d’un degré élevé de civilisation ». Oui, ce corps existe : il n’est pas ce qu’il devrait être ; mais on n’a qu’à vouloir et il le sera demain : c’est le Conseil d’État. Ah ! sans doute, l’on va tout de suite nous accuser de revenir à la constitution de 1852 et même à la constitution de l’an VIII. Mais des spectres d’empire ne sont point des raisons ; et si l’une ou l’autre de ces constitutions nous offre justement, ou à peu près, ce dont nous avons besoin, pourquoi ne le lui prendrait-on pas ?

Ainsi l’État, en dehors de l’exécutif (que l’on a volontairement négligé), serait organisé sur ce plan : deux Chambres et un Conseil d’Etat coopérant à la législation ; les deux Chambres plutôt représentatives, de contrôle, de critique, de consentement et de sanction ; le Conseil d’État, plus proprement, plus activement législatif, et, du commencement à la fin, chargé de la confection positive, matérielle, de la confection technique de la loi. Au sortir du Conseil d’État, les projets de loi iraient devant les Chambres qui, après examen et discussion, — en cela on ne copie pas servilement la constitution de l’an VIII, — en prononceraient l’adoption ou le rejet, mais sans pouvoir les amender ; ou bien, si elles les amendaient, les projets, alors, retourneraient au Conseil d’État qui en « collationnerait » à nouveau les articles, pour éviter que des remaniemens successifs introduisent dans un coin de leur texte quelque contradiction avec ce texte même ou avec d’autres lois. Le parlement ne perdrait, à ce partage, rien de ses droits ni de ses prérogatives essentielles ; l’exercice seul en serait mieux réglé : ce serait la division du travail législatif, avec son corollaire, la spécialisation du travail, qui ne produiraient certainement pas là des résultats moins favorables qu’ailleurs. Les Chambres ne seraient même pas privées de leur initiative ; et si le gouvernement se montrait trop rétif ou trop lent à leur gré, elles pourraient, par une motion, l’inviter à déposer un projet de loi sur telle matière, lequel projet serait, bien entendu, arrêté en Conseil d’Etat,