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SOUVENIRS ACADÉMIQUES

AUGUSTE COMTE
ET L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE

Michelet, qui, par goût, par habileté littéraire peut-être, inclinait vers l’exagération, a écrit : « Si l’on veut ignorer solidement et à fond Richelieu, il faut lire ses mémoires. » On pourrait dire, en s’éloignant un peu moins de la vérité : « Si l’on veut ignorer le caractère d’Auguste Comte et les détails de sa vie, il faut lire le livre composé par le plus considérable de ses disciples, Littré, qui pense de Comte beaucoup de mal et ne veut pas le dire ; consulter ensuite le docteur Robinet, dont l’admiration est aveugle et sans mesure ; étudier enfin, ce que je n’ai pas fait, les innombrables articles publiés par la Revue occidentale pour la glorification d’une mémoire vénérée. » Ces efforts successifs, que je crois très sincères, le nombre des éditions de deux ouvrages assez mal composés, démontrent suffisamment la curiosité excitée par l’étrange personnage qu’ils élèvent si haut ; et que le nombre de ses admirateurs, plus encore que le bruit qu’ils s’efforcent de faire, préservera de l’oubli dans l’histoire de l’esprit humain.

Renan, dédaigneusement indulgent à son ordinaire, a dit de lui : « Je suis arrivé à croire que M. Comte sera une étiquette dans l’avenir, et qu’il occupera une place importante dans les futures histoires de la philosophie. Ce sera une erreur, j’en conviens, mais l’avenir commettra tant d’autres erreurs ! »

Je ne veux ni juger cette philosophie ni prédire les illusions de nos descendans ; je me borne à désirer, et à espérer, que, sur ce