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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 138.djvu/550

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sur une indication du maître, et mériter à la fin de l’examen ces paroles réservées aux futurs sergens : « C’est très bien, monsieur ! »

Il avait été décidé, après la destitution de Reynaud, sans qu’on en fît, malheureusement, un article du règlement, qu’il serait interdit aux examinateurs de publier des ouvrages élémentaires pouvant servir à préparer aux examens. Comte ne l’ignorait pas, mais, n’ayant rien promis, se croyait libre. Incapable de spéculer sur sa position, et de vouloir, comme autrefois Reynaud, de triste mémoire, s’imposer aux élèves et aux maîtres par un désir de lucre, il voulait, par un livre conçu dans un esprit philosophique, relever un enseignement dont il déplorait la faiblesse. Dix ans avant, déjà, il avait écrit : « Il est remarquable que dans les établissemens, même les plus justement célèbres, consacrés à la haute instruction mathématique, on n’ait pas institué de cours vraiment dogmatique de géométrie générale conçu d’une manière distincte et complète. » Il ajoutait : « La profonde médiocrité qu’on observe généralement à cet égard, surtout dans l’enseignement de la partie élémentaire des mathématiques, quoique deux siècles se soient écoulés déjà depuis la publication de la Géométrie de Descartes, montre combien notre éducation mathématique ordinaire est encore loin de répondre au véritable état de la science. »

Comte publia un Traité de géométrie analytique, se refusant à croire que le conseil d’instruction de l’école poussât l’infatuation et l’esprit de prépotence jusqu’à user du droit de réélection annuelle pour étouffer un chef-d’œuvre.

Le chef-d’œuvre rencontra peu d’admirateurs. Chasles et Lamé, juges très bienveillans, d’accord en cela avec Sturm et Liouville, qui l’étaient moins, signalaient dans son livre d’indiscutables erreurs. Elles y sont encore. Plusieurs membres du conseil alléguaient enfin que Comte, atteint d’aliénation mentale en 1828, avait été enfermé pendant plusieurs mois dans une maison de santé. Etait-il prudent de lui confier plus longtemps les fonctions d’examinateur, lorsque l’exaltation dans laquelle on le voyait aurait pu donner des craintes sur l’équilibre d’un esprit plus solide ?

J’ai entendu traiter de déloyale et odieuse l’évocation d’un tel souvenir. Le conseil avait le droit de le connaître, et il semble qu’il a satisfait à toutes les convenances en décidant qu’on ne l’inscrirait pas au procès-verbal.

Après en avoir été écarté pendant quatre ans, Comte eut en 1848 l’espoir d’être rappelé aux fonctions d’examinateur. L’opinion lui était favorable ; et si une seule place eût été vacante, aucun concurrent ne la lui aurait disputée. Mais il se trouva trois