Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 138.djvu/659

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

roulée ; la compression avait chassé une partie de l’air occlus dans le sol, les espaces vides étaient plus étroits, le mouvement ascensionnel de l’eau plus facile.

Les betteraves sont semées à l’aide d’un semoir[1], l’espacement des lignes varie entre 35 et 50 centimètres, on répand de 20 à 25 kilos de graines par hectare. Quand la levée est régulière, les jeunes plantes forment une ligne continue ; elles sont beaucoup trop serrées pour atteindre leur développement normal, il ne faut en laisser qu’une seule tous les 20 ou 25 centimètres. On coupe avec une binette toutes les betteraves surabondantes, il reste ainsi aux espacemens voulus des petites touffes qu’il faut encore éclaircir pour ne laisser qu’une seule racine ; ce travail qui s’exécute à la main porte le nom de démariage. Le champ présente à ce moment un triste aspect : à la place des jolies lignes vertes qui le sillonnaient naguère, on ne voit plus de place en place qu’une petite plante qui paraît bien chétive ; elle s’accroît cependant à la condition de n’être pas gênée par les plantes adventices, par les mauvaises herbes qui pullulent aisément sur ces terres enrichies, à la condition encore que l’approvisionnement d’eau du sol soit assuré.

On réussit à remplir ces deux conditions à l’aide des binages ; on fait passer entre les lignes soit une houe à cheval, soit des ouvriers armés d’une rasette ; qu’on procède d’une façon ou de l’autre, les mauvaises herbes sont coupées et la surface de la terre est remuée, écrêtée à quelques centimètres. Ce dernier travail est d’une haute utilité. Le plus grand ennemi de la betterave est la sécheresse, or l’eau coule sans pénétrer quand elle tombe sur une terre durcie par le soleil ; elle est retenue au contraire par une terre ameublie, s’y enfonce, et est utilisée par la végétation. Ce n’est pas seulement pour éviter l’écoulement sans profit des eaux pluviales qu’il faut procéder aux binages, c’est surtout pour empocher l’évaporation des eaux souterraines ; l’effet des binages est précisément opposé à celui que produit le rouleau ; on roule pour faire monter l’eau des couches profondes à la surface après les semailles afin d’humecter les graines et d’assurer la germination ; mais après quelques semaines, cette ascension de l’eau jusqu’à la surface où elle s’évapore devient nuisible. Les jeunes plantes ont formé des racines qui s’enfoncent dans le sol et vont chercher les réserves d’humidité qu’il renferme : il faut conserver ces réserves, empocher leur déperdition, c’est à cela que sert le binage ; il rompt la continuité de la terre, recouvre les couches

  1. Voyez la Revue du 1er mai 1896.