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carbonique, le décomposent sous l’influence des radiations solaires, rejettent l’oxygène et forment, avec le résidu de la décomposition de l’acide carbonique hydraté, l’aldéhyde formique, dont les molécules agglutinées les unes aux autres forment la glycose. La transformation de cette aldéhyde en glycose a été réalisée dans le laboratoire, et nous n’avons aucun doute sur l’origine de la matière sucrée qu’on trouve dans les feuilles. Nous ne savons pas aussi bien comment naissent les matières azotées ; les nitrates puisés dans le sol par les radicelles arrivent jusqu’aux feuilles, où souvent on les rencontre en nature : ils y sont cependant, pour la plus grosse part, décomposés, réduits ; ils perdent leur oxygène ; mais comment l’azote, résidu de cette décomposition, s’engage-t-il en combinaison avec les matières hydrocarbonées pour former la molécule très compliquée de l’albumine, c’est ce que nous ignorons encore.

Toutes ces transformations ne se produisent que dans la feuille vigoureuse, turgescente, en pleine santé ; or il arrive souvent qu’à la fin d’une chaude journée, les feuilles molles, flasques, presque flétries, s’étalent sur le sol, elles ont dépensé plus d’eau par leur transpiration que les racines n’en ont pu saisir dans le sol, elles languissent et cessent tout travail ; le lendemain, elles ont repris leur vigueur, car l’évaporation s’arrête pendant les nuits, tandis que l’absorption par la racine est continue ; mais la fin de la journée précédente n’en a pas moins été perdue pour l’élaboration de la matière végétale.

Ce fâcheux arrêt dans le travail est dû exclusivement à l’insuffisance de l’absorption de l’eau par la racine, et on conçoit dès lors combien sont utiles les binages qui, nous l’avons dit, préservent de la déperdition les eaux souterraines ; on conçoit comment les récoltes varieront avec les conditions saisonnières, plus abondantes dans les années humides que dans les années sèches.

Si les arrêts dans l’élaboration de la matière végétale causés par la sécheresse sont fâcheux, bien plus nuisibles encore sont les effeuillaisons, les arrachages des feuilles que pratiquent souvent les cultivateurs, sans se douter du tort qu’ils font à leur récolte de racines ; celles-ci ne sont que des réceptacles incapables d’élaborer de la matière végétale, et visiblement ce magasin sera d’autant moins garni que l’organe chargé de les remplir sera plus faible, moins abondant. Nous n’avons pas, au reste, sur ce sujet de simples considérations théoriques ; M. Violette, de Lille, effeuille à trois reprises différentes la moitié d’un petit champ de betteraves bien homogène : au lieu de 44 000 kilos de racines fournis