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sans y causer aucun désordre, arriverait au tas de fumier où il serait décomposé, réduit, perdu.

Pendant cinq années, j’ai cultivé au champ d’expériences de Grignon les variétés : Globe à petites feuilles, Mammouth, Géante de Vauriac, Tankarde, Ovoïdes des Barres. Je les ai soumises à l’analyse, dans l’espoir d’indiquer aux cultivateurs à quelles graines ils devaient donner la préférence ; il m’a paru que les Globe à petites feuilles présentent un léger avantage sur les autres variétés, mais, d’une année à l’autre, les classemens que j’ai essayé d’établir n’ont pas été identiques, de telle sorte que je ne saurais affirmer que la Globe, qui m’a paru la meilleure, doive toujours être semée.

Si mes études sur le choix à faire parmi les variétés ne m’ont pas conduit à des conclusions solides, il n’en a plus été de même de celles que j’ai entreprises sur le mode de culture à suivre. Tous les praticiens ont remarqué que les racines qui croissent isolées dans les champs où la levée a été irrégulière acquièrent de fortes dimensions ; leurs feuilles s’étalent, elles profitent de l’humidité et des alimens qui ne leur sont pas disputés par leurs voisines et les racines deviennent énormes. Aussi, tant qu’on s’est borné à peser la récolte d’un hectare sans la soumettre à l’analyse, on a été d’autant plus porté à semer en ligues écartées que les nombreuses façons qu’exige la betterave sont bien plus faciles à donner lorsque les racines sont largement espacées que quand, au contraire, on les maintient serrées.

Les nombreuses recherches exécutées sur les betteraves à sucre avaient montré cependant que les racines sont d’autant plus riches en sucre qu’elles sont plus petites, et qu’elles sont d’autant plus petites qu’elles ont crû plus rapprochées les unes des autres ; il était donc tout naturel d’essayer pour les betteraves fourragères le mode de culture pratiqué dans tous les pays où existent des sucreries.

En 1891, j’ai semé à divers écartemens des Mammouth et des Globe à petites feuilles ; quand les Mammouth ont été en lignes écartées de 35 centimètres et maintenues dans ces lignes à 25 centimètres, elles ont pesé en moyenne 722 grammes et ont fourni un rendement à l’hectare de 81 000 kilogrammes ; écartées à 40 centimètres en tous sens, elles ont pesé en moyenne 1188 grammes, et le rendement à l’hectare a atteint 84 000 kilogrammes. Si donc, comme on le fait habituellement, on se bornait à cette pesée, on devrait conclure que la culture à faible écartement ne présente aucun avantage ; mais il en va tout autrement quand on procède aux analyses ; on trouve que le