Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 138.djvu/677

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

préexistaient dans la betterave ; au moment où la vinasse chaude employée aux épuisemens arrive sur les betteraves coupées, elle détermine la coagulation du protoplasma des cellules ; il devient insoluble et pour la plus grande partie reste fixé dans la masse. La petite quantité de cette matière azotée, d’abord entraînée, est, ainsi qu’il a été dit, ramenée par la vinasse sur de nouvelles cossettes, pendant leur passage dans les cuves de macération. La plus précieuse des matières alimentaires contenues dans les betteraves se retrouve donc dans les pulpes. Le sucre a disparu, il est vrai, mais la cellulose, qui constitue comme le squelette de la racine, profondément modifiée par faction des liquides chauds et acides, est devenue, partiellement au moins, assimilable par les animaux et remplace le sucre décomposé. Ces pulpes sont très aqueuses, elles renferment souvent 90 centièmes d’humidité, mais en les mélangeant à de la paille hachée, très sèche au contraire, on constitue d’excellentes rations.

La distillerie laisse encore d’autres résidus ; et d’abord les vinasses dont la quantité surpasse celle qui est nécessaire à l’épuisement des cossettes ; ces vinasses sont sans valeur comme alimens, la vente des matières minérales qu’elles renferment ne couvrirait pas les frais du combustible nécessaire à leur évaporation et à leur calcination.

Toutes les fois que la disposition des lieux s’y prête, on répand ces vinasses sur les champs, et quand elles sont employées à doses modérées, elles exercent une action très favorable.

Cet épandage n’est pas toujours possible ; les distilleries sont habituellement installées dans le voisinage des cours d’eau, dans les parties basses du pays, et souvent on ne rencontre pas de terres en aval propres à les recevoir. Quant à les remonter dans des réservoirs pour les conduire sur des terres élevées, c’est là un travail qui d’ordinaire entraîne des dépenses hors de proportion avec les avantages qu’on en peut tirer. D’autre part, l’écoulement dans les cours d’eau occasionne des procès ; il y a là des difficultés souvent sérieuses.

Quoi qu’il en soit, il est clair qu’une ferme qui paie la culture de la betterave avec l’alcool produit et qui a des pulpes gratis ou à très bas prix, se trouve dans une position infiniment plus avantageuse que celle qui fait directement consommer ses betteraves par le bétail, et il est visible que le développement de la distillerie agricole exercerait la plus heureuse influence sur la prospérité de notre pays.

Il ne semble malheureusement pas que, dans l’état actuel des choses, elle soit susceptible de beaucoup s’accroître.