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II

La chapelle palatine du Vatican garde encore aujourd’hui l’aspect général qu’elle avait au temps de son fondateur, Sixte IV : à part l’œuvre gigantesque de Michel-Ange, tout y porte l’empreinte d’un moment précis du quattrocento, des années 1480-1483. La sobriété propre à l’architecture romaine de cette époque va jusqu’à une extrême sécheresse dans la construction de Giovannino de Dolci : vaste vaisseau rectangulaire où nul profil en saillie ne vient arrêter le regard. La longue voûte en berceau manque de toute articulation et relief ; le pavé, en opus alexandrinum, est également d’un travail très simple dans les parties qui n’ont pas été renouvelées plus tard, et plusieurs de ses carreaux incrustés de croix et de lettres nous révèlent que l’on s’est servi sans scrupules des débris d’antiques tombes chrétiennes qui jonchaient alors la colline de Saint-Pierre. La tribune en marbre pour les chanteurs, à l’angle sud-ouest du chœur, n’a rien d’imposant, pas plus que la grande balustrade qui, avec ses huit piliers aux chapiteaux et aux candélabres dorés, clôt au sud le presbytère dans toute la largeur de la nef. Une décoration monotone et presque monochrome simule sur les immenses parois latérales des brocarts d’or et d’argent séparés par des semblant de pilastres. Mais toute cette indigence est amplement rachetée par une suite continue de fresques qui se déroule en haut, sous les fenêtres, à l’instar d’une frise majestueuse aux resplendissantes métopes. Œuvre collective de Botticelli, de Cosimo Roselli, de Domenico Ghirlandajo, de Luca Signorelli, de Perugino et du Pinturicchio, ce cycle de peintures résume en quelque sorte l’art-des maîtres toscans et ombriens au terme final de son développement et à la veille de la haute Renaissance.

Le cycle représente les principaux événemens de la vie de Moïse et de Jésus, et chaque épisode du Pentateuque y a son pendant ou son contraste dans un épisode de l’Evangile. Au baptême du sang par Séphora répond, en face, le baptême de l’eau par le Précurseur ; à l’apparition de l’Eternel dans le buisson ardent du désert, la tentation du Christ dans le désert par le Satan ; à l’élection du peuple de Dieu au sortir de la mer Rouge, la vocation des premiers Apôtres le long de la mer de Galilée. Plus loin, la législation du Sinaï a pour réplique le Sermon sur la Montagne ;