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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 138.djvu/820

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C’est précisément l’invisibilité de la trame à l’endroit du tissu, où elle ne paraît que tous les huit coups, qui donne à l’œil la sensation glacée du « satin ».

La main-d’œuvre préalable du « métier à remettre » consistera donc ici à intercaler successivement les premier, neuvième, dix-septième fils dans une lice, les deuxième, dixième, dix-huitième dans une autre, etc. ; opération compliquée et fort longue, on le conçoit. Pour éviter de la recommencer trop souvent, on préparera à la fois plusieurs pièces, en tordant, sans le nouer, le bout final de chacun des fils de la chaîne amorcée sur le « remisse », avec le bout initial d’autres fils qui s’engageront à leur suite dans les mailles. Une ouvrière habile arrive à tordre ainsi 5 ou 6 000 fils par jour.

Après cette mise en train laborieuse, le tissage proprement dit ne semble qu’un jeu. Le métier fait mouvoir, avec une vitesse prudemment réglée, ses articulations délicates. La navette légère, sous l’action des pédales, glisse et court de droite à gauche et de gauche à droite, laissant derrière elle en se dévidant cet imperceptible sillon de soie qui forme la trame, aussitôt emprisonné dans l’embrassement des fils de chaîne, évoluant sur leurs lices que sollicitent des leviers. La « canette », petite bobine placée dans la navette, est-elle épuisée ? l’instrument s’arrête de lui-même et une autre la remplace. Le métier mécanique tisse environ 10 mètres par jour, et il suffit d’une femme pour veiller à la marche de deux de ces outils perfectionnés que la Suisse nous envoie.

Au sortir du métier les étoffes reçoivent des façons accessoires : certaines vont s’égaliser sur des lames de métal coupant, qui les serrent et leur donnent la souplesse ; c’est le « polissage ». D’autres sont soumises au « flambage », par un mélange d’air et de gaz, à la dose de 1 000 mètres cubes à l’heure, pour se dépouiller de leur duvet. Le satin blanc passe trois fois au feu, sur des rouleaux que longe une rampe allumée. Le tout se termine par le « pincetage », où une machine à épiler arrache les fils qui dépasseraient à l’envers du tissu, et par le « dégraissage » des tissus clairs, afin d’enlever les taches survenues encours de fabrication. Nombreux sont les apprêts dont la soie est susceptible, pour augmenter sa grâce ou sa force, sa douceur ou sa « main », voire pour pallier sa misère. Chaque pays a ses procédés, soit que l’on pare la chaîne avec de la poudre de riz, comme en Chine, soit que l’on se serve de gomme pour les tissus achevés, comme en Angleterre, On appela « pluie de diamans » une nouveauté qui fit rage quelque temps et qui n’était autre que la projection, par un système ingénieux, de gouttelettes d’un produit vulgaire.