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LE PRINCE LOUIS-NAPOLÉON

III.[1]
L’ESSAI CONSTITUTIONNEL


I

« Ce fut un malheur pour moi, m’a dit Napoléon III, de n’avoir pu débuter par un ministère républicain et d’avoir été obligé de me confier aux hommes de la rue de Poitiers[2]. »

En effet, une des impossibilités auxquelles se heurta d’abord le premier président de la République fut celle de recruter des ministères républicains. Cavaignac et ses amis se refusaient ; Ledru-Rollin et les siens se déchaînaient. Il eût pu appeler Jules Favre, le défenseur de ses intérêts en quelques occasions, « animé de la visible préoccupation de capter par la flatterie sa sympathie intime[3]. » Mais ce rhéteur doucereusement venimeux, au jugement faux, au caractère versatile, sans autre connaissance réelle que celle des phrases, odieux à maints républicains depuis son impitoyable réquisitoire contre Louis Blanc, haï des monarchistes pour sa proposition de dépouiller les princes d’Orléans de leurs biens patrimoniaux, suspect à tous à cause de ses volte-face incessantes, n’offrait ni assez de dignité ni assez de sérieux pour être chargé d’inaugurer les débuts d’un gouvernement.

Un des républicains les plus éclairés et les plus loyaux du National, Duclerc, conseilla au prince de s’adresser à Lamartine,

  1. Voyez la Revue des 15 décembre 1895 et 15 janvier 1896.
  2. On nommait ainsi les monarchistes coalisés du nom de la rue où ils tenaient leurs réunions.
  3. . Falloux, t. I, p. 522.