les unions ne seront plus que des prétextes à divorces. Les femmes n’en veulent à aucun prix. Pour un épicurien sans ambition, je ne connais point de plus douce sinécure qu’un presbytère en Bolivie.
La population de Pulacayo se compose d’abord d’un personnel d’ingénieurs, d’administrateurs et de hauts employés, dont la plupart sont Boliviens, plusieurs Chiliens ou Péruviens, quelques-uns Anglais, un ou deux Allemands. J’y ai rencontré un Français et un Suédois. Les travailleurs, eux, sont presque tous des cholos boliviens, c’est-à-dire des métis d’Européens et d’Indiens. Quant aux Indiens purs, ils n’aiment guère à s’embrigader sous les ordres de leurs anciens conquérans. L’exploitation des mines ne les attire pas. Cependant l’aridité du pays et la contagion de l’exemple en ont amené un certain nombre à Pulacayo. Pour ces êtres, qui vivent aux alentours, à une ou deux journées de marche de la mine, en d’infects villages, cette cité ouvrière est presque une capitale. Ils y trouvent le même luxe qui éblouit nos paysans quand ceux-ci viennent à la ville ; ils y trouvent surtout de l’alcool. En Bolivie, comme au Chili, connue dans toute l’Amérique du Sud, le seul bienfait que les Indiens aient retiré de la prétendue civilisation, est le goût des liqueurs fortes. Leurs vainqueurs les ont évangélisés avec des tonneaux de tafia.
Les cholos et les Indiens font en apparence bon ménage : au fond, ils ne peuvent se sentir. Ils ne s’entendent que dans la défiance ou la haine du maître. Aux yeux des Indiens, les cholos ont l’infériorité du métis : c’est un sang renégat. Aux yeux des cholos, les Indiens sont encore des barbares.
Ces deux classes ne portent pas les mêmes costumes. Les hommes métis sont à peu près vêtus comme nos plus pauvres ouvriers et jettent, sur des loques de « confections », le puncho rayé des Américains. Les cholas balancent des espèces de crinolines, se poudrent affreusement le visage et mettent tout leur luxe dans leurs bottines. La plupart d’entre elles ne changent jamais de jupon. Quand celui dont elles se sont affublées tombe en guenille, elles en passent un autre par-dessus, si bien qu’on peut au nombre de ses jupons deviner l’âge de la femme. Ce mélange de colifichets européens et d’oripeaux d’un orientalisme crasseux, ces vêtemens qui sentent à la fois la pacotille du colporteur et le voisinage des villages indiens, symbolisent à merveille l’âme hybride de ces métis.
Des instincts ennemis luttent dans le cœur du cholo. Il n’a