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vers quelque avenir qu’il s’achemine, est encore protégé par le souvenir de ses anciennes gloires. Néanmoins, si réconfortant que puisse être le spectacle d’une revue, — et celle-ci n’était pas la première où le 6e corps se révélait à notre orgueil patriotique, — il était tout au moins inutile d’y chercher l’occasion d’un rapprochement entre la valeur des troupes qui y figurèrent et celle du corps d’armée allemand inspecté à Breslau par le tsar Nicolas II. Il a donc pu paraître inopportun que, dans notre presse en général assez indifférente au mouvement des idées militaires en Allemagne, certains organes se soient essayés à cette comparaison. Appuyée vraisemblablement sur des constatations très hypothétiques, elle ne pouvait que faire sourire ceux qui connaissent l’impeccable correction des parades allemandes. L’impression d’un défilé ne suffit pas d’ailleurs pour asseoir un jugement d’une si haute gravité. En dehors du critérium du champ de bataille, il est toujours téméraire de juger une armée, surtout une armée d’une apparence aussi colossale et d’une multiplicité de rouages aussi compliquée qu’est l’armée allemande. Mais s’il est impossible d’établir un parallèle de présomptions sur la force morale de deux armées, laquelle décidera en fin de compte des actions de guerre, il est toujours utile de relever les tendances d’esprit qui les animent. L’on y arrive en interrogeant leur organisation, afin de les mettre en comparaison sur le seul point précis qui permette de les juger d’après une formule identique.

Entre la France et l’Allemagne, dominées par un concept gouvernemental si différent, ce phénomène s’est produit que, malgré notre volonté bien arrêtée de modeler nos institutions militaires sur celles de nos voisins, elles s’en différencient maintenant de plus en plus par les aspirations. Mathématiquement, nous n’avons pas laissé les Allemands créer un régiment sans leur répondre par une formation analogue. Moralement, nous avons perdu le contact des idées militaires, et le but poursuivi par notre organisation demeure profondément étranger art résultat qu’ils attendent de la leur. Nous les copions souvent à côté ; et, différens d’eux à tous égards, nous subissons le désavantage des peuples qui, sortis de leur génie propre par manque de confiance en eux-mêmes, se reposent désormais de leurs progrès sur le génie des autres.


I

On ne peut nier que notre grande préoccupation, depuis 1870, n’ait été de nous assurer le nombre, dans toutes nos recherches