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militaires suffisamment complet pour restreindre le séjour à la caserne à leur constatation, à un stage d’examen théorique et pratique ? Les choses pourraient, en effet, en venir à cette simplicité, si, pour faire un soldat, il suffisait de marcher et de viser droit, de monter à cheval et de pointer juste. Mais, pour remplir l’emploi, il existe un ordre de conditions autrement impérieuses dont on ne s’avise guère aujourd’hui en France, quand on ne s’applique pas systématiquement à rejeter tout ce qui les réalise de l’éducation préparatoire de nos futurs soldats. Entraîner les corps ne compte guère, si l’on ne prépare les âmes à l’abnégation réclamée par la guerre, aux sacrifices dont s’achète la victoire. Ignorans de toute tactique, les paysans vendéens ont été de grands soldats, parce qu’ils obéissaient à l’intrépide inspiration de leur cœur, qu’ils marchaient pour une grande idée ; et ce sont les âmes, bien plus que les armes, qui gagnent les batailles. Les Abyssins aussi se sont montrés de grands soldats, quand, pour la défense de leurs foyers, ils ont écrasé de leur force morale ces troupes civilisées qui, derrière les portées de leurs engins perfectionnés, croyaient en avoir si bon compte.

Sachons donc le reconnaître. Le nombre ne résout pas tout le problème militaire ; loin au-dessus plane l’éternel facteur autour duquel tout gravite à la guerre, l’homme, avec sa qualité morale d’abord, et physique après. Jusqu’à présent le seul moyen connu d’élever les hommes aux grandes actions a consisté à entretenir leur croyance en une destinée immortelle ayant Dieu pour terme ; les nations qui oublieraient ce devoir pourraient produire des foules armées, elles n’auraient pas des soldats. Et puisque nous avons poursuivi une comparaison d’organisation et de tendances entre la France et l’Allemagne, il ne peut être qu’avantageux pour finir, sans vouloir autrement souligner le rapprochement, d’indiquer en quels termes l’empereur Guillaume II commençait son allocution, en présentant ces jours-ci les drapeaux aux recrues de la garde :

« Vous avez prêté serment sur le crucifix et les drapeaux.

« De même que la couronne n’est rien sans l’autel et le crucifix, de même l’armée n’est rien sans la religion. »


VILLEROIS-MAREUIL.