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papiers provenant du maître des cérémonies et aux récits connus de Liancourt, Besenval, Soulavie, Genlis, etc., il a pu ajouter le minutieux journal inédit tenu au nom des Premiers gentilshommes de la Chambre. Toute l’histoire du mariage et de la chronique de sa vie de dauphine à la cour de Louis XV, depuis son arrivée à Versailles jusqu’à la mort du roi, M. de Nolhac l’a retracée dans ce nouveau volume sur Marie-Antoinette avec une rare élégance du style jointe à une grande érudition. Pour en rendre l’illustration digne du texte, les musées nationaux et étrangers, les collections particulières des amateurs ont été mis à contribution. Le fac-similé exécuté d’après le célèbre portrait de Marie-Antoinette par Drouais, qui appartient au South-Kensington, est merveilleusement reproduit comme les vingt-huit planches hors texte en photogravure prises sur les peintures, les dessins et les gravures de Drouais, Nattier, Moreau, La Tour, Saint-Aubin, Vanloo. Hubert-Robert, Oudry, Eisen, Choffard sont admirablement rendues.

Ils seront toujours trop rares les grands artistes qui nous initient aux secrets de leur art et nous font entrer dans la confidence de leurs conceptions. Mais quoiqu’il en existe bien peu qui, comme Delacroix et Fromentin, manient aussi bien la plume que le pinceau, il y a toujours profit à entendre un peintre de grande manière, comme Meissonier, parler de lui-même et des autres, surtout quand son dessin, ses croquis, servent de commentaire convaincant à ce qu’il dit, quand on a sous les yeux, comme dans ce bel ouvrage, une reproduction des toiles les plus célèbres du maître, dans des planches dont quelques-unes pou vent lutter pour l’exactitude du rendu avec la finesse de pinceau des originaux, où rien n’est sacrifié de sa touche si légère et si ferme à la fois. C’est dire tout le prix de ce volume[1], où Meissonier montre si clairement comment il procédait pour ne sacrifier aucune partie du tableau tout en faisant valoir telle ou telle autre, et arriver à donner l’impression de la masse et de l’éloignement, celle de l’effet concentré et en quelque sorte concentrique, dans ses tableaux militaires comme dans ses toiles de plus petit format, le Liseur, la Rixe, la Lecture chez Diderot, la Partie d’échecs, le Corps de garde, VAmateur, etc. On comprend en le lisant comment il a acquis cette science de la perspective aérienne, de la dégradation de la lumière, comment, sportsman émérite comme Géricault, il a si bien rendu lui aussi tous les mouvemens du cheval. Dans ces entretiens à bâtons rompus, que complète la préface magistrale de M. Gréard, il apparaît au naturel dans le cadre journalier de ses occupations, nature simple et magnifique, timide et superbe.

Si les peintres de la Hollande n’ont pas conservé toutes les grandes

  1. La Vie et l’Œuvre de Meissonier, d’après ses entretiens, avec une étude par M. O. Gréard, 1 vol. in-8o, illustré de 20 planches en taille-douce, de 18 planches en couleurs et de 250 gravures ; Hachette.