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gouvernemens intéressés. Il n’y en a évidemment aucun à autoriser l’Egypte à emprunter 350 000 livres, et même 500 000. L’état actuel de ses finances lui permet de contracter ce supplément de dette sans aucun danger pour ses créanciers. Le malheur est que les puissances oui perdu de plus en plus l’habitude de causer des affaires d’Egypte, comme si elles craignaient que la moindre conversation, le moindre échange de vues sur ce sujet scabreux, n’amenât entre elles des divergences irréductibles. On n’ose pas aborder, nous ne dirons pas la question d’Egypte, mais les questions d’Egypte, même par les plus petits côtés. Si on a besoin de 500 000 livres, au lieu de les demander à l’Europe, qui seule a qualité pour les donner, on s’adresse à la commission de la Dette qui est incompétente dans l’espèce. Il en résulte de très fausses manœuvres, puis des déceptions pénibles, et finalement, entre les puissances, ce surcroît d’irritation et d’aigreur qu’on paraît craindre de provoquer par le moyen le plus propre à les prévenir, c’est-à-dire par des explications franches et confiantes, et qu’on fait naître bien plus sûrement en suivant des voies indirectes et d’ailleurs sans issue. Ce n’est pas là une politique habile. Il était à coup sûr très facile d’éviter au gouvernement khédivial et à ses conseillers anglais le désagrément qu’ils viennent d’éprouver devant les tribunaux. Quant à la France et à la Russie, elles ont procédé avec tous les ménagemens possibles. Elles auraient pu évoquer l’allaire sur le terrain politique, elles ne l’ont pas fait. Sûres de leur droit, c’est-à-dire de celui des créanciers, elles ont réduit la question à son côté juridique et en ont remis la solution aux tribunaux. Ceux-ci ont prononcé. Il est permis au plaideur malheureux de maudire ses juges, mais il aurait tort de prétendre réparer une première faute par une seconde. Si la majorité de la commission de la Dette acceptait, sous forme de prêt, la restitution de 350 000 livres que le gouvernement égyptien a été condamné à lui faire, il y aurait quelque chose de piquant à la voir condamnée à son tour à opérer la restitution de cette somme qu’elle n’a pas le droit de toucher dans ces conditions. Un second procès pourrait être la contrepartie du premier. Mais nous ne tenons pas à ce que cette expérience soit faite, et mieux vaudrait pour tout le monde aboutir à un arrangement.


FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-gérant, F. BRUNETIERE.