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nécessité de vivre aurait amené fatalement l’application d’un droit plus moderne. Mieux valait à coup sûr se placer en face des réalités, et chercher amicalement le moyen de les accommoder au mieux des intérêts en cause. C’est ce qu’on a fait de part et d’autre, avec une bonne volonté égale, avec un égal succès. L’Italie, en somme, n’a fait qu’une concession à la France, et une concession qu’elle ne pouvait pas lui disputer plus longtemps, puisqu’elle n’avait plus de traité de commerce : elle lui a reconnu le droit de s’appliquer un régime douanier privilégié, sans qu’elle pût elle-même en revendiquer les avantages. Ce droit de la nation protectrice avait déjà été reconnu par l’Angleterre et par l’Autriche, et il l’a été par l’Allemagne le même jour que par l’Italie : les deux traités ont été consacrés presque en même temps par le parlement italien et par le Reichstag allemand. Sauf sur ce point, qui pour nous est à la vérité très précieux, mais qui était déjà hors de contestation, il est difficile d’apercevoir ce que l’Italie a cédé de substantiel dans ses arrangemens avec la France. La sécurité de ses citoyens est aussi complètement garantie dans un État désormais civilisé, qu’elle pouvait l’être autrefois par les capitulations dans un État barbaresque. Ses écoles, ses hôpitaux, continueront de vivre et de prospérer sous une législation ultra-libérale. C’est à peine si les Italiens, dans la Régence, s’apercevront du changement de régime. Il en aurait été autrement, — on pouvait du moins le craindre, et M. Visconti-Venosta l’a fort bien expliqué dans son discours à la Chambre, — si les négociations entamées n’avaient pas abouti. Alors, tout pouvait être mis en question, et, au terme de la lutte qui n’aurait pas manqué de s’engager, il était d’autant moins difficile de prévoir les résultats, que nous avions pour nous la puissance exécutive et le droit. La France n’avait rien à craindre de cette lutte, mais assurément elle ne la souhaitait pas.

Quel est aujourd’hui le régime douanier de la Régence ? Il n’est pas encore tout à fait normal et satisfaisant. Notre situation privilégiée est dus maintenant reconnue par tous. Nous sommes libres d’abaisser autant que nous le voudrons les tarifs entre la Tunisie et la France, et même de les supprimer complètement ; mais nous ne le sommes pas encore de mettre en vigueur les tarifs auxquels devront être soumis les produits des autres pays. Si la clause de la nation la plus favorisée ne peut plus être invoquée contre nous, elle peut toujours l’être par les autres nations entre elles, et toutes bénéficient des avantages qui ont été concédés à l’une d’elles, ou qui continuent de lui être attribués. Or l’Angleterre avait avec la Régence un traité sans échéance fixe, traité qui dure encore et qui lui accorde un tarif de