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faveur, et ce tarif s’applique jusqu’à nouvel ordre à tous les pays qui ont traité plus récemment avec le bey. Lorsque, il y a quelques mois, nous avons conclu un arrangement à propos du Siam avec l’Angleterre, celle-ci a admis en principe que l’ancien traité devait être modifié ; elle a consenti à entrer en négociations avec nous à ce sujet ; mais si ces négociations ont été entamées, elles ne sont pas encore terminées, et pour dire la vérité, elles ne paraissent pas marcher d’un cours bien rapide. En attendant, l’Angleterre couvre les autres nations, l’Italie en particulier, et les fait participer au bénéfice de ses propres tarifs. Combien de temps durera cet état de choses qui aurait déjà dû prendre fin, si le traité du Siam avait été exécuté dans son véritable esprit ? Nous n’en savons rien ; mais jusqu’à ce que ce moment soit venu, la Tunisie ne sera pas complètement en possession de sa liberté douanière. Le régime sous lequel elle a vécu si longtemps s’est sans doute amélioré en ce qui nous concerne ; pourtant il n’est pas encore celui que comportent les circonstances nouvelles ; il n’est pas en rapport avec les progrès industriels et commerciaux qui ont été accomplis, et auxquels l’établissement de notre protectorat a donné un si grand essor.

Toutefois, ce n’est pas la faute de l’Italie, et nous n’avons rien à réclamer d’elle directement. La charte qu’elle vient de consentir nous donne satisfaction. Nous avons dit que le traité, ou plutôt les traités, car on sait qu’il y en a plusieurs, ont été votés à Rome à une très grande majorité. L’affaire allait en quelque sorte de soi. Quelques amis attardés de M. Crispi ont essayé pour la forme de faire une opposition, ou de présenter des critiques auxquelles personne n’a fait attention. Qui aurait cru, il y a quelques années, il y a quelques mois encore, que la situation de la Tunisie à l’égard de l’Italie pourrait être réglée par des arrangemens passés avec la France, au milieu d’un calme qui assurément n’était pas de l’indifférence, mais qui y ressemblait ? La Tunisie était autrefois l’arsenal d’où M. Crispi tirait contre nous ses armes les plus acérées. L’Italie montrait une sensibilité, une irritabilité presque maladives pour tout ce qui touchait la Régence. Si des complications graves avaient pu éclater en Europe, tout le monde prévoyait que c’est là qu’elles prendraient naissance, pour s’envenimer ensuite grâce aux remèdes qu’on ne manquerait pas de leur appliquer. La politique italienne avait alors pour principe de maintenir avec nous, à propos des affaires tunisiennes, un état de tension, de lutte, et presque de guerre sourde, d’où elle semblait se tenir prête à tirer au moment opportun nous ne savons quelles conséquences, propres à troubler plus ou moins la sécurité générale.

Dieu sait toutes les accusations dont nous avons été l’objet, tous les