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LA QUESTION D'ORIENT.

rébellion. La Grèce s’insurgea et, après une lutte héroïque, elle obtint son affranchissement. Nous aurons à revenir plus loin sur cette crise qui modifia sensiblement l’état des esprits, aussi bien parmi les chrétiens que parmi les musulmans. La Turquie était à peine sortie, meurtrie et diminuée, de ce dernier conflit qu’elle vit se dresser devant elle un adversaire nouveau. Un vassal habile et audacieux qui avait, en méconnaissant la souveraineté de son maître, solidement assis son autorité en Égypte, Mehemet-Ali, jugea le moment favorable à l’agrandissement de sa puissance. Après avoir enlevé Saint-Jean-d’Acre qui en était le boulevard, ses troupes envahirent la Syrie et l’occupèrent. En 1833, elles se heurtèrent à l’armée turque qui, cette fois encore, fut totalement défaite à Koniah. Cette victoire ouvrait au pacha la route de Constantinople restée sans défense.

Par une de ces résolutions soudaines qui lui étaient particulières, redoutant peut-être l’ouverture d’une crise prématurée ou la compétition d’un cohéritier inattendu, l’empereur Nicolas offrit son assistance à la Porte. Son ouverture fut agréée, et on procéda à la signature d’un nouveau traité, bien différent de tous ceux qui l’avaient précédé, le traité d’Unkiar-Skelessi, en vertu duquel une armée russe vint camper sur les hauteurs de Constantinople. Une clause finale stipulait que le Bosphore resterait ouvert à la marine moscovite pendant que les Dardanelles continueraient à être fermées aux flottes des autres puissances.

A aucune autre époque de son histoire, la Turquie n’avait couru de plus graves dangers ; jamais aucun vassal n’avait entrepris de ravir au sultan sa puissance souveraine ; jamais le chef de l’empire n’avait dû confier à des mains étrangères, avec la garde de sa capitale, le soin de sa sécurité personnelle. Jamais non plus aucun gouvernement européen n’avait conquis, sur la Porte, une influence aussi prépondérante que celle dont la Russie pouvait, à ce moment, revendiquer le bénéfice.


II

Cet état de choses, en les alarmant, éveilla l’attention des autres puissances et provoqua leur intervention diplomatique. Ne pouvant s’abuser lui-même sur le caractère et les effets de la protection qu’il subissait, le gouvernement turc accueillit avec empressement les avis qui lui venaient de toute part ; il consentit à conclure, avec Mehemet-Ali, un arrangement qui laissait le