Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/52

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
46
REVUE DES DEUX MONDES.

pacha en possession de la Syrie. Les Russes évacuèrent Constantinople, mais leur présence avait conquis à l’empereur Nicolas un prestige qui rejaillit sur son représentant en Turquie. Au palais, à la Porte, le crédit de cet agent diplomatique resta tout-puissant, dominant celui des agens des autres cours. C’est de cette époque que datent plus particulièrement les jalousies, les rivalités diplomatiques dont Constantinople n’a cessé, depuis, d’être le théâtre.

L’orgueilleux Mahmoud ne s’accommoda pas longtemps de l’accord conclu avec l’agrément et en quelque sorte sous la médiation des puissances. Il employa ses soins et toutes ses ressources à reconstituer son armée ; et en 1839, se persuadant qu’elle était en état d’aborder et de vaincre les troupes égyptiennes, il engagea de nouveau la lutte. La rencontre eut lieu au pied du Taurus, à Nezib ; fidèle à la fortune du vieux pacha, la victoire couronna la vaillance de ses soldats plus disciplinés et mieux commandés ; Mehemet-Ali se retrouva, comme en 1833, maître des destinées de la Turquie.

L’Europe reprit l’alarme. Unie à l’Autriche, principale intéressée au maintien de l’empire ottoman, sinon à son entière intégrité, l’Angleterre résolut, en se concertant avec les autres puissances, de prendre des mesures collectives pour garantir la Turquie contre toute entreprise de Mehemet-Ali. Le cabinet britannique, qui avait pris l’initiative de ces négociations, s’en ouvrit avec celui de Saint-Pétersbourg. L’empereur Nicolas fit, à ses propositions, un accueil empressé et inattendu. Il envoya, à Londres, un diplomate avisé possédant sa confiance, avec la mission de se prêter à tout arrangement, pourvu qu’il fût conçu de façon à atteindre rapidement le but que l’on se proposait. Il ne prévit pas qu’en prêtant son concours, en cette occasion, il s’exposait à abdiquer, entre les mains de l’Angleterre, l’influence souveraine qu’il exerçait à Constantinople, duc aux succès de ses armes et à l’habileté de sa diplomatie ; que, pour la reconquérir, pour ressaisir les sympathies des chrétiens d’Orient fort troublés par le secours qu’il avait accordé à la Porte, il lui faudrait, avant longtemps, courir les chances d’une guerre formidable.

Grâce à sa participation, l’accord s’établit rapidement à Londres, et on décida de faire emploi de la force pour restituer la Syrie au sultan, pensant mettre ainsi la Turquie à l’abri de toute nouvelle agression venant de son turbulent vassal ; on se réservait d’adopter d’autres dispositions s’il résistait aux