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la régence de la reine Christine, les pronunciamientos qui ont tenu en suspens et comme entrecoupé le règne d’Isabelle II, et sauf peut-être les cinq années du ministère d’O’ Donnell, — los cinco años. — cinquante années de vie au jour le jour et de provisoire à la merci d’un coup de main ont fait que l’Espagne, trop inquiète sur elle-même, a négligé ses colonies, qui ont pu sembler, en effet, n’être plus ni gouvernées, ni administrées, ou qui souvent l’ont été, « d’une manière détestable », on ne saurait le nier, et ce sont des Espagnols exaltés qui l’avouent.

Cependant, à partir de 1865, et sous l’impulsion de M. Canovas, en ce temps-là ministre des colonies[1], le gouvernement de la métropole s’est engagé résolument dans la voie des réformes justes et nécessaires : la Révolution, de 1868 à 1876, s’y est précipitée, et depuis la Restauration, que les libéraux ou les conservateurs fussent aux affaires, il y a eu des marches et des contre-marches, des faux pas et des tâtonnemens, mais on n’est pas revenu en arrière, on ne s’est pas arrêté, et vingt lois votées en témoignent. Ces vingt lois nouvelles ont fait de Cuba une province espagnole, assimilée aux provinces de la péninsule, et qui peut être encore mal administrée, mais ne l’est ni plus mal ni moins mal que les autres, ou ne l’est plus mal que parce qu’elle est plus loin. L’administration de Cuba est mauvaise, assurent les Cubains, qui se plaignent des chemins de fer, des routes, des postes et des télégraphes, de tout. « — Et moi, disait Guatimozin. crois-tu donc que je sois sur un lit de roses ? »

Toute la question est en ceci : Cuba est-elle traitée comme une autre province d’Espagne ? — Non, protestent les révoltés : « l’Espagne écrase, exploite et corrompt Cuba. » — Elle l’écrase. S’agit-il de la Dette, que les insurgés évaluent à un milliard et demi[2], et qui, suivant eux, est mise à la charge de l’île au mépris de la plus vulgaire équité ? — La Dette, répondent les Espagnols, elle est le fruit des insurrections. Avant la guerre de 1868, le déficit était insignifiant. C’est la guerre, et la guerre seule, qui l’a creusé en abîme. Les dépenses s’enflant outre mesure et les contributions ne rentrant plus, on a été contraint de recourir au crédit : de là, l’emprunt à la Banque espagnole de la Havane, en

  1. Ministerio de Ultramar. Junta informativa de Ultramar, Madrid, 1869, in-folio. — Ce document est pour ainsi dire introuvable, mais une réédition ou une abréviation en a paru, je crois, à New-York, chez Hallet et Breen en 1867.
  2. V. Mestre Amabile, la Question cubaine et le conflit hispano-américain.