l’eau est telle qu’on n’ose point la boire, — et allons regarder la Nature chez elle, là où nous ne l’avons pas encore défigurée. Pourquoi ce même ciel nous a-t-il inclinés au découragement quand il était gris, et nous rend-il la confiance, quand il est bleu? Nous voici en plein champ. Examinez cette terre plate et cette verdure alignée au cordeau et, à côté, ce vallonnement plein d’herbes libres aux entrelacs subtils : c’est la même composition chimique, la même aptitude à la production, la même valeur. Ces deux champs sont exactement pareils aux yeux de l’agronome, de l’économiste, du philosophe et du répartiteur des contributions directes. Pourtant l’un d’eux, aux lignes monotones, n’arrêtera point nos pas ni nos soucis. L’autre nous attirera, nous distraira, nous charmera peut-être et, devant ses mille fantaisies d’aspects et de contours, pendant un instant, nous oublierons la vie et nous reviendrons à la maison plus rasséréné, plus calme et moralement plus dispos. Pourquoi?
Et pourquoi cette nature est-elle colorée comme un tableau, au lieu d’être grise comme une gravure? Pourquoi ses couleurs les plus brillantes sont-elles répandues sur les êtres les plus inutiles, mais aussi les plus inoffensifs? Certes, il y a des champignons vénéneux qu’on dirait éclaboussés par Delacroix et des mouches stercoraires qu’on dirait touchées par le pinceau de fra Angelico ; mais d’ordinaire, voyez si les oiseaux les plus doux ne sont pas les plus beaux? Penchez-vous sur ces morceaux de rochers brisés par leur chute... « Voici des terres pures qui sont blanches quand elles sont en poudre et qui forment les élémens constitutifs de l’argile et du sable. Mais dès qu’une vie plus intense est en elles, c’est-à-dire dès qu’elles se cristallisent, voyez comme elles changent de couleur! Elles deviennent l’émeraude, le rubis, le saphir, l’améthyste et l’opale. Pourquoi ce rapport entre l’énergie de la cristallisation et la pureté de la substance d’une part et, d’autre part, sa beauté? Regardez les plantes : c’est pareillement quand leur vie est à son paroxysme d’intensité que leurs formes flattent le plus nos passions humaines et que leurs couleurs deviennent plus éclatantes : couleurs primaires, bleu, jaune, rouge ou blanc, l’union de toutes les couleurs. Et notez que ce moment de gloire parfaite coïncide avec le moment où les plantes ont ensemble les relations qui correspondent aux joies de l’amour chez les créatures humaines... » Pourquoi? Allez plus haut dans l’échelle de vie. Voici, justement, quelque chose de