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été autorisée[1], personne ne voulut faire usage de la faculté offerte : le syndicat subsista malgré lui-même.

En face de ce prototype des grands monopoles industriels aux États-Unis, il faut placer le syndicat du sucre, auquel est lié de la façon la plus étroite le nom de M. Havemeyer, son fondateur et son chef. L’Amérique du Nord absorbe chaque année 2 800 millions de livres de sucre, dont 18 pour 100 environ passe directement des mains du petit cultivateur de la Louisiane à celles du consommateur; vingt établissemens raffinent le reste, garantis contre l’importation du sucre raffiné par des droits prohibitifs et dotés de fortes primes d’exportation. Le 6 août 1887, quatorze de ces raffineries s’unirent pour former un syndicat, qui centralisa dès le principe 85 pour 100 de la production sucrière aux Etats-Unis. Toutes les parties sont ici des sociétés par actions, et l’échange des actions contre les certificats se fait non pas à un prix fixe, mais aux risques de chaque porteur. Il y a onze trustees, qui dirigent seuls toute l’affaire; quatre usines sont tout de suite fermées par leur ordre à Boston et à New-York; en 1891, ils s’associent Claus Spreckel qui tentait d’exploiter à Philadelphie et à San Francisco des établissemens nouveaux. En fait, toute concurrence a disparu aujourd’hui, la force de production moyenne des usines non syndiquées n’atteignant pas 10 pour 100 de celle du trust; l’American sugar refining company, en qui s’est récemment incarné celui-ci, avec son capital de 75 millions de dollars, ses dividendes annuels de 10 à 12 pour 100, représente aux Etats-Unis une puissance économique et financière de premier ordre, et sait bien la faire valoir à l’occasion.

Moins fort, et aussi moins favorisé, a été le syndicat de l’alcool, de son vrai nom le Distillers and cattle feeders trust, constitué en 1887 sur le modèle du précédent. L’alcool, affranchi d’impôt jusqu’à la guerre de Sécession, s’était vu frappé en 1862 aux Etats-Unis d’une taxe de vingt cents par gallon, taxe qui fut élevée progressivement jusqu’à cinq dollars par gallon en 1865. A chaque projet d’accroissement des droits, la spéculation faisait enfler la production au delà de toute mesure; vers 1870, la fabrication annuelle de l’alcool dépassait le triple de la consommation moyenne, et, la fraude ne connaissant plus de bornes, il n’était pas rare de voir vendre les eaux-de-vie à des prix inférieurs au montant même de l’impôt. Le marché se régularisa quelque peu

  1. Pour se conformer à une loi récente du Congrès.