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en les « intégrant », par mesure d’humanité, à titre de commutation de peine. Dorénavant, un rival est mort-né s’il n’apporte pas avec lui une habileté de premier ordre, des procédés nouveaux, une puissance exceptionnelle. Mais il n’y a ainsi que la concurrence inutile, superflue, qui disparaît, et les capitaux disponibles, toujours à l’affût des placemens rémunérateurs, ne cessent d’engendrer une compétition virtuelle et immanente, qui n’est pas sans offrir jusqu’à un certain point les mêmes garanties que le régime ancien. De fait, il n’y a pas d’exemple qu’un syndicat ait réussi à maintenir pendant bien longtemps un monopole absolu dans une branche d’industrie ; le Standard oil lui-même voyait naguère se créer une société nouvelle qui entreprenait l’exportation directe en Europe. En s’élevant à un niveau supérieur, la concurrence a ainsi réduit et renforcé ses conditions d’application. Elle se réserve pour les cas vraiment graves ; ce n’est plus la fuite par où se perd la vapeur dans la machine en marche, mais la soupape qui pare aux dangers d’éclatement. On l’utilise peu, elle profite davantage. Permanente, aiguë même entre industries rivales, latente et spasmodique entre établissemens voisins dans une même branche de production, elle restreint les dangers de l’association et les abus des syndicats ; elle marque une limite et sert de justification au régime nouveau.

L’un des objets caractéristiques, l’un des résultats essentiels de ce régime, c’est l’économie dans la production : l’économie est la fonction sociale du monopole et sa raison d’être industrielle. Frais généraux et frais de transport, publicité, frais du service commercial de vente, l’association réduit toutes ces dépenses dans une proportion très large ; elle met en commun les inventions et les informations, fait cesser les guerres de prix ruineuses; seule elle est capable de proportionner rigoureusement la production aux besoins. — Logiquement, cette économie doit aboutir à une diminution du prix des produits. Trouvons-nous en réalité aux Etats-Unis la trace d’un abaissement de cette nature? A qui profite l’économie réalisée? Aux syndicats ou au public? À cette question la réponse n’est pas aisée, et plus qu’en toute autre matière il est difficile de prononcer ici un jugement équitable et impartial. Les adversaires des monopoles nous diront que les syndicats ont haussé le prix des denrées, leurs partisans, qu’ils l’ont réduit, et tous nous apporteront des preuves : c’est toujours des statistiques les plus riches qu’on peut tirer les conclusions les plus variées.