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articles des publicistes officieux ou les discours des orateurs du gouvernement, le tableau s’égayera des couleurs les plus riantes. Après tout, l’opposition la plus déloyale peut seule prétendre que la France n’ait point fait de progrès depuis vingt-cinq ans. Les libertés publiques? On n’eût pas même osé en rêver la dixième partie sous le second Empire. Une presse libre jusqu’à l’outrage ; une tribune ouverte et accessible à tous ; le Parlement maître des affaires; le pays en possession de choisir tous ses serviteurs depuis le chef de l’Etat jusqu’au maire de la plus humble commune; le droit d’association conféré aux ouvriers et largement pratiqué dans leurs syndicats ; le droit de réunion à peine limité par l’insuffisance des mœurs, encore inférieures à la loi : voilà quelques-unes des franchises que la France de 1870 n’avait pas et dont la France de 1896 jouit comme de conquêtes immémoriales et inaliénables. La diffusion à haute dose de l’instruction populaire ; les sacrifices immenses pour l’enseignement primaire; la réorganisation, le développement et l’émancipation de l’enseignement supérieur; la multiplication des routes, des ports, des voies ferrées, des canaux, des travaux publics de toute espèce ; la réfection et le perfectionnement de l’outillage national : voilà pour quelques-uns des bienfaits moraux et matériels de ce régime calomnié. La puissance militaire de la France reconstituée; l’armée devenue l’école des vertus patriotiques en même temps que le boulevard de la sécurité nationale; le matériel de guerre refait; le domaine colonial décuplé, des empires d’outre-mer, en Afrique et en Asie, ajoutés au territoire de la mère patrie pour la première fois depuis que la monarchie de Louis XV avait laissé tomber en d’autres mains les Indes et le Canada; le prestige de la France, sa position de grande puissance patiemment restaurés ; une grande alliance contractée, qui rétablit l’équilibre de l’Europe et qui fait dépendre le maintien de la paix d’autre chose que des bonnes intentions d’un souverain omnipotent : voilà pour l’œuvre nationale de la République. On a connu des régimes qui se contentèrent à moins.

Aussi bien le pays, dit-on, n’est-il pas ingrat. Voyez les élections partielles : qu’il s’agisse du Sénat ou de la Chambre, presque toujours, sauf dans quelques cantons obscurs réservés à l’opposition, l’élu, c’est un républicain, c’est un partisan des institutions existantes, c’est tout au plus un homme un peu presse qui réclame des réformes et proteste contre le piétinement sur